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Le mouvement Extinction Rebellion est aussi divers et riche que les rebelles qui y participent. Cet est espace « Parole de rebelles » est ouvert à toutes les contributions personnelles ponctuelles. Les avis exprimés ici par les rebelles sont personnels et n'engagent que leurs auteur·e·s et pas le mouvement Extinction Rebellion dans son ensemble (France et International).

Cet article a pour but d’introduire un essai intitulé « Quelle place pour les ingénieures, les chercheurs et les enseignantes, entre transition et colonisation écologique ? » en présentant le contexte de son écriture et en décrivant le cheminement des réflexions qui y seront développées.

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À travers cette série d’articles, je souhaiterais partager quelques réflexions théoriques, expériences pratiques et visions alternatives portant sur la place et les différents rôles que pourraient jouer ingénieur‧es, chercheur‧euses et enseignant‧es dans le cadre des « crises » écologiques.

Ce travail est principalement basé sur des recherches en sociologie, histoire, anthropologie, géographie, sciences politiques et sciences physiques, mais aussi sur mes expériences personnelles. Je suis actuellement étudiant en master de physique de l’environnement à l’ENS Paris-Saclay, et j’ai passé 7 mois à voyager en Nouvelle-Zélande, Australie, Cambodge, Vietnam et Thaïlande en 2019-2020 sur la base du volontariat dans le cadre de projets écologiques ou d’enseignement. J’ai ensuite réalisé un stage de recherche de deux mois pour l’Atlas de Justice Environnementale, pour tenter de comprendre les liens entre justice environnementale et transition énergétique au travers d’études de cas concrets. Durant ces 2 dernières années, j’ai étudié en autonomie de nombreuses disciplines auxquelles je n’avais pas été formé avec l’aide précieuse de plusieurs chercheurs et chercheuses, mais j’ai pour autant conscience que mon expérience personnelle pourra être réductrice et brosser un portrait imparfait des recherches dans ces domaines.

Le cheminement que je propose est donc directement basé sur mon expérience personnelle, qui est très certainement différente des vôtres. Cependant, je pense et j’espère que vous pourrez y voir quelques points communs, y trouver certaines réponses et de multiples questions qui contribueront peut-être à la poursuite de votre chemin.

J’ai pour cela tenté de mêler des sources scientifiques solides et un raisonnement critique basé sur une démarche de recherche (à mon niveau), avec des sentiments personnels, des émotions et des expériences hautement subjectives pour ajouter une composante sensible à ce travail et situer ma démarche dans mon contexte de vie. Je me suis efforcé de distinguer clairement les passages « rationnels » et raisonnements théoriques justifiés des remarques « personnelles » et expériences pratiques, qui jouent des rôles très différents. Compte tenu de la longueur apparente de cet article, je vous propose de le diviser en plusieurs parties, qui sans être entièrement indépendantes peuvent se lire séparément selon les thématiques qui vous intéressent le plus ou le temps que vous souhaitez y consacrer. J’ai essayé de résumer pour chaque partie l’essentiel des messages que je cherche à faire passer, pour vous permettre de vous repérer et pour rendre la lecture plus agréable.

En partant de la récente « prise de conscience » écologique parmi les étudiant‧es, certain‧es ingénieur‧es, chercheur‧euses et enseignant‧es, j’essaierai de partager des pistes afin d’en comprendre l’histoire et d’y trouver une place, un sens, un rôle à jouer permettant de dépasser les contradictions qui pourraient sembler s’imposer à nous.

D’abord, j’essaie de pointer quelques-uns des principaux enjeux mis en avant par les diagnostics techniques de la situation environnementale. Ensuite, je tente de mettre en valeur le fait que les connaissances scientifiques sont en fait construites dans des contextes socio-économiques bien particuliers, contre l’image neutre et apolitique d’une science universelle et objective - cette image étant celle qui s’impose usuellement, sans la réflexivité apportée par les sciences sociales. Après, j’essaie de décrire les conséquences de cette construction sur les résultats obtenus pour mettre en valeur les limites du « domaine de validité » socio-historique de ces connaissances. J’évoque quelques travaux d’histoire proposant des récits plus politiques et plus critiques que le récit dominant de l’Anthropocène pour établir un diagnostic plus réflexif de la situation actuelle.

Ensuite, je cherche à montrer de quelles manières l’histoire coloniale se poursuit et se renouvelle dans nos sociétés modernes à travers notamment des discours de la transition écologique « pensée par les riches ». Sur la base d’études de cas concrets, je me concentre sur les enjeux de la transition énergétique telle qu’elle nous est présentée pour mettre en valeur ses nombreuses limites et incohérences aux différents stades de la chaîne d’approvisionnement en énergie renouvelable (production, distribution, extraction des matériaux). Ces différents cas de « néocolonialisme vert » permettent de mieux comprendre comment peut se décliner en pratique la transition écologique lorsqu’elle prend pour base un état des lieux biaisé.

Face à ces déconstructions générales qui peuvent sembler mener à une impasse, je tente d’élargir le champ de vision en mobilisant d’autres conceptions du monde et du développement. En exposant quelques raisons pour lesquelles nous sommes formé‧es et formaté‧es à une conception du monde restreinte, j’essaie de dépasser ces verrous en mobilisant notamment l’anthropologie pour entr’apercevoir d’autres cultures et cosmologies. Enfin, en recentrant les réflexions sur les ingénieur‧es, chercheur‧euses et enseignant‧es, j’entreprends de proposer des pistes concrètes pour dessiner le contour de rôles permettant de retrouver du sens. En me basant sur des recherches en géographie et en sciences sociales, j’essaie de faire le lien entre les mondes « étrangers » présentés auparavant et nos mondes d’origine, afin d’ouvrir un dialogue porteur de sens et d’ouverture en gardant « les pieds sur Terre ». Les alternatives présentées sont majoritairement liées au domaine de l’énergie, mais peuvent être rapprochées de nombreux autres domaines comme l’agroécologie, les Low Tech, les études environnementales ou l’économie écologique.

Energy Democracy Convergence, septembre 2017, Somenergia et Friends of the Earth Europe. Expert‧es et activistes de 20 pays se sont retrouvé‧es en Espagne pour explorer les moyens de laisser les énergies renouvelables entre les mains des habitant‧es locaux‧ales.

Les raisonnements que je propose, les « solutions » que je décris et les rôles que je dessine sont sûrement imparfaits, car fondés sur mon expérience personnelle forcément réductrice. Je n’ai fait qu’assembler et tenter d’articuler des travaux de recherche divers, venant de domaines très différents dont la subtilité m’a sans aucun doute souvent échappé, tout en espérant que l’on pourrait les exploiter plus en profondeur. J’ai en fait essayé de partager le parcours qui m’avait permis de retrouver un sens, les rencontres pour lesquelles je suis profondément reconnaissant et les lectures qui m’ont porté ces dernières années. Les initiatives pour la suite demanderont beaucoup de travail pour correspondre aux imaginaires qui nous inspirent. Les alternatives que je décris ont aussi de nombreuses imperfections, et nécessiteront beaucoup de débats et d’expériences pour devenir viables à long terme. Mais c’est, pour moi, ce travail qui me semble avoir du sens.

En tant qu’étudiant‧es, nous avons aussi les moyens d’agir dans ce sens. De nombreuses demandes et revendications ont été adressées à l’administration de différentes écoles (Centrale Supélec, groupe INSA, Sciences-Po, X, Agro ParisTech, ENS Paris-Saclay…) et des réseaux se forment entre les associations écologiques étudiantes. Le Manifeste pour un Réveil écologique a eu un fort écho, et des démarches sont en cours dans toute la France pour faire évoluer nos formations, le fonctionnement de nos campus et nos futurs emplois.

Ces initiatives, souvent portées par des étudiant‧es et enseignant‧es, trouvent parfois des réponses positives des administrations. Dans le cas contraire, des institutions extérieures existent pour soutenir nos démarches, comme le Shift Project qui travaille sur une transformation en profondeur des formations du groupe INSA, ou le Campus de la Transition qui rédige actuellement (07/2020) un livre blanc exposant les lignes directrices pour inclure dans toute leur diversité les enjeux environnementaux dans les formations du supérieur. Des associations étudiantes se forment, comme les épiceries écologiques participatives sur le Plateau de Saclay (ENS Paris-Saclay, Centrale Supélec, X). Elles bénéficient aussi de soutiens extérieurs souhaitant également échanger avec nous et proposer des modes de fonctionnement alternatifs (Terre et Cité, Epis, pour le lien au territoire et à l’alimentation sur le Plateau de Saclay). D’autres mouvements écologistes se rapprochent des étudiant‧es, et les questions d’écologie décoloniale ou d’écoféminisme émergent parmi eux (Extinction Rebellion, Alternatiba, La Base…).

De nombreuses pistes s’ouvrent, évoluent et s’adaptent, pour nous permettre de faire monde autrement, de rencontrer l’autre personne et de dialoguer en la respectant. Il ne tient qu’à nous de les suivre… Vraiment ?

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Cet article a pour but d’introduire un essai intitulé « Quelle place pour les ingénieures, les chercheurs et les enseignantes, entre transition et colonisation écologique ? ». N’hésitez pas à le commenter, à faire des retours et des critiques ici ou par mail à l’auteur noam@crans.org.

Je tiens à remercier particulièrement Charlène pour son superbe travail d’illustration et de mise en page de cette série d’articles, ainsi que pour tous les échanges que nous avons eus à ce sujet.

Illustrations : Charlène

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