TERREAU FERTILE - L'eau rage gronde à Lyon

Eau voleur, eau pollueur !

Un parcours de 18 trous consomme environ autant qu’une ville de 7000 habitants (source : Association Green-Keepers Français)

⛳ Dans un contexte de sécheresses à répétition qui demandent aux citoyen·nes de restreindre leur usage de la ressource en eau, un petit village de privilégié·e·s résiste encore et toujours à l’envahisseur… Lorsque la sécheresse atteint l’état dit de crise, les golfs obtiennent une dérogation qui leur permet d’utiliser 30 % de l’utilisation habituelle en eau, pour entretenir les greens qui constituent 2 % de la surface du terrain de golf. Autrement dit, ce petit cercle d’herbe bien verte fait fi d’une denrée en eau désormais de plus en plus rare, et de plus en plus fragile.

20% des golfs approvisionnés en eau ‘durable’ ; 70% des golfs approvisionnés en eau issue des milieux naturels(eau souterraine et de surface) ; 10% des golfs approvisionnés en eau provenant du réseau public (eau potable) (source : L’AGREF, chiffres approuvés par la Fédération Française du Golf)

💦 Ainsi, alors même que la ressource en eau devrait être protégée et économisée dans une vision au long terme, elle est amplement utilisée pour un loisir réservé à une infime part de la population ; la situation ne nous permet plus cette eau de « plaisir ». L’ironie réside peut-être dans le fait que la plupart des golfs sont placés entre des terrains agricoles et des espaces citadins, qui nécessitent tous deux grandement cette ressource en eau. Seulement la différence se trouve dans le point suivant : pour ces deux espaces, l’usage de l’eau relève de la survie. Alors, on pourrait parler d’une eau spoliée : aux agriculteur.ices, aux habitant.es, à celleux qui en ont besoin.

Artificialisation des sols : le drainage, ou l’assèchement au long terme

🏜️ L’installation et l’entretien d’un golf demande à drainer le sol. Le drainage, c’est l’élimination ciblée de l’eau par des installations artificielles et naturelles, ayant pour résultat un niveau de l’eau souterraine abaissé ; c’est une action « nécessaire » afin que le sol ne soit pas spongieux et praticable de manière plus facile et agréable pour les joueur.euses. Seulement, cela contribue à une artificialisation des sols et un assèchement des zones humides. Il s’agit d’un problème notamment dénoncé par le National Geographic qui explique les conséquences néfastes -et intolérables dans une situation de stress hydrique- d’une telle action sur la durée.

Pollution des sols et de l’eau : toujours plus de pesticides pour sauver les apparences

🛢️ La loi Labbé exige qu’en 2025 tous les gazons sportifs français soient utilisés sans utilisation de produits phytosanitaires de synthèse. Objectif pour le moment bien éloigné du résultat attendu puisque pour le moment, il semble que ce soit 18kg par hectare par an ce qui représente beaucoup plus qu’en agriculture intensive, à titre d’exemple. Ainsi, l’entretien même d’un terrain de golf représente un danger pour les eaux de nappes et de surface au vu de l’usage de pesticides (désherbants, insecticides, fongicides, lombricides…), dont les aérosols peuvent aussi contaminer les eaux météoritiques (pluies, brumes, rosée) localement ou à distance.

Le golF : un monde à part du monde

Le golf, cet excellent engrais vers une appropriation et une modification des ressources naturelles

🌳 Qui pense « golf » pense grandes allées verdoyantes, plantations de végétaux et d’arbres, lieu d’accueil d’une biodiversité. Certes, mais supposant que cet élan de « protection de la nature » soit respecté, cela ne signifie pas pour autant qu’il lui soit bénéfique. En effet, cette promesse d’un golf plus responsable se heurte à une évidente artificialisation de la terre et à une modification de l’ordre naturel. Emblème d’une volonté de contrôle de l’homme sur son environnement, le golf contribue à un déni de la réalité ; une réalité qui nous demande de troquer les greens pour des forêts et de remplacer les tuyaux d’arrosage par des cours d’eaux naturels. Pour aider la nature, l’humain ne doit pas la créer. Il doit lui rendre ce qui lui appartient.

Une pratique d’entre-soi : par les riches, pour les riches, le golf accentue les inégalités sociales et territoriales (via cet accaparement des terres et des ressources)

💰 Le golf rassemble 400 000 licencié·e·s en France. D’après l’INSEE, 21% des golfeur·euse·s gagnent plus de 60 000 euros par an ; ont 48 ans en moyenne et investissent 600€ par an en matériel ; 70% sont des cadres ou des professions libérales ; 73% des golfeur·euse·s sont des hommes. En résumé, ce sont des chiffres témoins d’un sport marqué par le patriarcat, le capitalisme et l’hégémonie des plus riches. Un écart d’autant plus creusé étant donné qu’il concerne une ressource en eau appropriée par une minorité aux dépens de celleux qui en auraient plus concrètement besoin.
Ajoutons ceci : au-delà d’une appropriation de l’eau, c’est une appropriation du territoire à laquelle nous sommes confronté·e·s. Un terrain de golf est gourmand en hectares, rendus inaccessibles publiquement à celleux qui ne peuvent pas se permettre d’y accéder -ce qui est particulièrement visible en ce qui concerne le golf de Miribel, bloquant une partie du parc à des loisirs plus durables.

L’EAU RAGE GRONDE

Dans le grand parc de Miribel, il y a une longue clôture. D’un côté, une herbe qui brunit, des familles et des groupes d’ami·es des cités alentours qui font des barbecues. De l’autre, une pelouse impeccable, verte au cœur de l’été, pouponnée même au cœur de la sécheresse avec des dérogations permettant d’accaparer l’eau et une dose constante d’insecticides, lombricides et autres produits. Dessus, quelques personnes en polo-casquette, gotant d’une vue imprenable sur le lac, tapent doucement dans des balles. Une pure insouciance, un golf.

Cette barrière serait-elle un symbole de la fracture qui nous divise ? Le 1er Juillet, dans le cadre de la Rébellion Nationale de Printemps “Eau Rage Gronde” sur le thème de l’eau, le groupe local XR Lyon accompagné de rebelles des groupes de Chambéry, Clermont-Ferrand, Drôme, Grenoble, Saint-Etienne a fait tomber ce mur. Iels ont brisé les cadenas empêchant l’entrée sur ce lieu privatisé.

Les golfs, c’est 33 000 hectares en France soit la surface de Paris et Marseille réunis, appropriés principalement pour les plus riches. Cela titille les imaginaires, que pourrait-on faire avec autant d’espace ? En ce samedi de juillet les militant·es y ont imaginé un espace ou chacun·e peut s’adonner à ses activités favorites. Pendant que certain·es créaient un jardin ouvrier, les plus sportifs pratiquaient du volley, du badminton ou du yoga tandis que d’autres pique-niquaient calmement dans l’herbe. Enfin, un texte revendicatif était peint sur l’herbe aseptisée : “+ de terres nourricières et de sports populaires”.

Nous demandons :

- La déclaration de l’état d’urgence hydrique y compris pour les plus riches

- La fin des dérogations sur l’usage de l’eau pour les golfs

- L’arrêt immédiat de l’usage des pesticides dans les golfs

- Que la fédération des golfs reconnaisse l’incompatibilité de leur sport avec un monde à +1,5°C.
Le réchauffement climatique entraîne l’augmentation des sécheresses rendant impossible l’entretien régulier des surfaces des golfs.

- La fin de l’accaparement des sols pour des loisirs de personnes privilégiée.s

Il est urgent de mener une transition agricole de proximité, durable et résiliente en requestionnant nos manières d’utiliser les terres.

Quand les riches voient green, le vivant voit rouge… il est temps que l’orage gronde et que resurgisse le terreau fertile !