Le 20 février, à Montpellier, un artiste était en procès, poursuivi pour “groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations” Il a été relaxé !
Samedi 28 septembre 2021 vers midi, le comédien et poète Renaud Baillet a été interpellé et placé 23 heures en garde à vue pour avoir déclamé un poème dans la rue.
Ce même jour Extinction Rébellion XR Montpellier et d’autres organisations écologistes déployaient dès 11h un happening artistique sur la Place de la Comédie. L’objectif du jour : recouvrir la plus grande place d’Europe d’affiches publicitaires pour exiger l’interdiction totale de la pub dans nos rues et réclamer la réappropriation de nos imaginaires. Plus de 30 personnes ont participé à cette tentative de record mondial en piétinant les symboles du capitalisme.
Des stands créatifs ont pris vie sur ces dépouilles publicitaires : fabrication d’origamis géants, détournements d’affiches, sensibilisation à l’impact environnemental de la pub (1)

Sensible au sujet et constatant l’ambiance joyeuse, Renaud Baillet avait proposé de prendre le mégaphone pour déclamer un poème. Les 23 heures suivantes témoignent d’une répression surréaliste pour quelques vers dans la langue de Molière… Arrestation agressive, insultes et menaces de la part des policiers, refus d’avoir accès à des soins alors qu’il était malade et avait une ordonnance sur lui, à voir un médecin ou un avocat. Une nuit passée en T-Shirt à 5ºC dans une cellule insalubre, sans couverture ni matelas. Le 20 février il était en procès, poursuivi pour « groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Or, les photos prises par XR ainsi que celles prises par les caméras de surveillance de la Comédie et utilisées à charge contre Renaud montrent tout le contraire. On y voit des citoyen.ne.s à visage découvert, souriant.e.s, discutant avec les passant.e.s. Ces dernier.e.s soutenaient très largement cette manifestation artistique et ont pris part en dessinant sur les pubs.
Par ailleurs, il est important de rappeler que la colle utilisée est fabriquée à partir d’eau et de farine. Difficile donc d’y voir un caractère violent ou dégradant !
Second chef d’accusation retenu contre Renaud : « refus de se soumettre aux relevé signalétiques » (empruntes digitales, photos). Ce qui est faux !
Renaud a accepté de donné ses empreintes et être pris en photo. Ce qu’il a toutefois refusé, c’est la prise biologique (ADN) car cela va à l’encontre de la juridiction européenne. « Selon l’article 706-56 du code de procédure pénale, le refus de se soumettre à un prélèvement ADN est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il convient de rappeler que le 27 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E) a jugé que la directive dite « Police-Justice » (2016/680) « ne s’oppose pas à une législation nationale prévoyant la collecte forcée des données des personnes à l’égard desquelles sont réunis suffisamment d’éléments de preuve de ce qu’elles sont coupables d’avoir commis une infraction intentionnelle poursuivie d’office et qui ont été mises en examen pour ce motif ».
Néanmoins et parce que cette pratique est largement décriée, ladite directive « s’oppose à une législation nationale qui prévoit la collecte systématique des données biométriques et génétiques de toute personne mise en examen […] sans prévoir l’obligation, pour l’autorité compétente, de vérifier et de démontrer, d’une part, si cette collecte est absolument nécessaire à la réalisation des objectifs concrets poursuivis et, d’autre part, si ces objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures constituant une ingérence de moindre gravité pour les droits et les libertés de la personne concernée ».
Ainsi, en l’absence de justification de la demande, et de son caractère proportionné, le refus de se soumettre au prélèvement biologique ne peut être sanctionné. » CGT, 2 octobre 2023 (2)
Un procès politique !
La première raison étant que l’on constate une criminalisation des artistes de plus en plus récurrente dès lors qu’ils/elles s’intéressent à des enjeux politiques, environnementaux et sociaux. L’actualité regorge d’exemples avec la mise à ban de celles et ceux qui apportent un soutien à la Palestine, aux mouvements syndicaux et sociaux ou osent critiquer la politique gouvernementale.
Par ailleurs, au-delà de museler toute expression subversive, les récentes coupes budgétaires visant le monde associatif et culturel (Le conseil départemental de l’Hérault, présidé par Kléber Mesquida (PS) annonce vouloir couper 100 % du budget, avant de laisser cette décision en suspens jusqu’au prochain conseil en mars).
Cela en dit long sur l’estime que portent ces représentants politiques à l’égard de la culture et des milliers de travailleur.se.s qui seraient touchées de plein fouet par une telle décision. « Une peuple sans culture est un peuple sans âme », disait si bien l’écrivain Nigérian, Anthony Biakolo.
Mais il faut bien évidemment aussi parler de la raison pour laquelle tant de citoyen.ne.s et associations s’attaquent depuis des années – pour ne pas dire des décennies - à la publicité.
En 2020, Les Amis de la Terre publient la synthèse du rapport Big Corpo. (3) « Élaboré en lien avec des experts universitaires et avec les apports des 22 associations1, ce rapport décortique le rôle central de la publicité et la communication des multinationales dans la surconsommation, mais aussi leur utilisation comme outil de lobbying. Il contient des recommandations concrètes pour réguler ces activités d’influence des entreprises et donner, dans le monde d’après, plus de place aux discours citoyens. » Suite à des mois de travail, la Convention Citoyenne pour le Climat, publie sont rapport et alerte sur la nécessité de « réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation ». (4) Effectivement, la publicité est le Cheval de Troie du capitalisme, nous incitant à consommer toujours plus, toujours mal, sans se préoccuper de l’environnement ni du respect des droits de l’Homme, de la Femme et de l’Enfant.
Outre des publicités sexistes, racistes, validistes, de nombreuses marque dont les entreprises sont délocalisées, ont recours à l’exploitation d’enfants dans les entreprises de textile (Zara), dans les mines (Apple, Samsung, Sony, Tesla), de population persécutée (l’exploitation des Ouïghour dans des camps de travail en Chine au profit de Décathlon). De nombreuses marques pratiques l’évasion fiscale à l’instar de Total ou JCDecaux eux-mêmes. On peut enfin relever les pratiques commerciales trompeuses et mensongères, allant jusqu’à porter atteinte à la Santé Publique (incitation à la consommation d’alcool auprès des mineurs avec la présence de publicité devant les collèges et lycées). (5-6-7)
Les chiffres sont gargantuesques : 8 Milliard de Dollars dépensés en 2024 seulement en France dans la publicité tous médias confondus - dont 1 Milliard pour la publicité extérieure - générant un bénéfice de 3,996 Milliard cette même année.
Et chaque année, une part de plus en plus importante est notamment dépensé dans le neuromarketing. (8) « Le neuromarketing désigne l’application des neurosciences cognitives au marketing. Il vise la compréhension des opérations cérébrales impliquées dans le comportement des consommateurs. Cela permet aux entreprises de définir ce qui attire le plus les consommateurs, ce qu’ils retiennent des publicités et ce qui fait naître des émotions. Le neuromarketing permet de mesurer les réactions inconscientes telles que l’ordre dans lequel une personne observe les éléments d’une image ou le niveau d’attention d’une personne confrontée à une information. La compréhension des réactions inconscientes des consommateurs représente un avantage considérable en marketing. »
On retrouve, entre autres, des marque bien connue utilisant cette technique intrusive comme Apple, Coca-Cola, Fnac, Mercedez-Benz, SNCF, Netflix… Peut-on réellement imaginer une dépense d’argent si colossale, si cela n’avait aucun impact sur nos imaginaires, nos décisions, nos envies…
La publicité est aujourd’hui intrusive et omniprésente. Des sociétés gangrenée par la publicité, imaginées par Ray Bradburry dans « Fahrenheit 451 » ou Alain Damasio avec « Les Furtifs » se matérialisent sous nos yeux hagards. Ce qui était hier de la Science-Fiction est aujourd’hui une réalité.
Face à l’urgence climatique et afin de préserver notre intégrité cognitive, il est primordial d’avoir une réflexion collective sur la place et l’impact de la Publicité.
Au delà d’une régulation de celle-ci dans l’espace urbain et médiatique, nous demandons tout simplement son bannissement dès lors quelle sort du cadre culturel, artistique, associatif ou citoyen.
(1) [Montpellier : 1 300 mètres d’affiches publicitaires déployées sur la place de la Comédie | La Gazette](https://www.lagazettedemontpellier.fr/environnement/2024-09-28-montpellier-1-300-metres-d-affiches-publicitaires-deployees-sur-la-place-de-la-comedie/) |
(2) [Quels sont mes droits dans le cadre d’une demande d’un prélèvement biologique ? | CGT](https://www.cgt.fr/actualites/france/droit/quels-sont-mes-droits-dans-le-cadre-dune-demande-dun-prelevement-biologique) |
(3) [Encadrer la pub : un impératif démocratique et écologique | Les Amis de la Terre](https://www.amisdelaterre.org/bigcorpo/) |
(4) Le rapport final - Convention Citoyenne pour le Climat
(5) Le travail des enfants derrière la production de smartphones et de voitures électriques
(6) Travail d’enfants, Ouïghours exploités… Une enquête étrille Decathlon
(7) Montpellier : NousSommes ne lâche rien sur le chèque de 264 000 € remis à JCDecaux - midilibre.fr
(8) Cash investigation - Neuromarketing : votre cerveau les intéresse (Intégrale)