Changement de direction à la FNSEA : vers une agriculture toujours plus industrielle - Part 2 : discours au siège

Discours au siège : la FNSEA devient le SNAV !

- Campagne Changement de Régime - En savoir plus - Chapitre 8, épisode 2 -

C’était inespéré et pourtant il l’a fait, lors d’un discours aussi bien poignant qu’historique, Arnaud ROUSSEAU, nouveau président de la SNAV (ex-FNSEA), revient sur la responsabilité de la FNSEA et sur son échec à promouvoir un système agricole viable socialement, écologiquement et même démocratiquement.

« Fini le soutien aux multinationales », « Fini la soumission aux lobbys », « Fini le capitalisme », Fini les monopoles” ! L’euphorie est présente, les chapeaux de fête sont de sortie, on applaudit dans tous les sens. Ils et elles n’attendaient que ça, les agriculteurs et agricultrices, que leur syndicat historique se mobilise, bifurque complètement grâce à leur changement de direction : celle d’un syndicat qui les représente vraiment, défend leurs intérêts face aux défis historiques qui nous menacent. Oui à la vie, oui à la biodiversité, oui aux paysannes et paysans !

C’est la fin de la FNSEA, et le début d’une nouvelle ère avec la naissance du SNAV, le Syndicat National pour une Agriculture du Vivant !

Nous l’avons espéré, nous l’avons célébré… mais cela n’a hélas pas eu lieu.

Extrait de l’intervention des rebelles d’Extinction Rebellion, dans les rôles d’Arnaud Rousseau et Christiane Lambert :

Nous n’avons pas su VOUS protéger, vous, agriculteurs, agricultrices. Vous êtes aujourd’hui pris en tenaille par des lobby industriels et financiers : contraints d’acheter des outils toujours plus techniques, plus performants et plus chers, d’utiliser plus de produits chimiques pour augmenter rentabilité, d’accumuler les prêts et d’augmenter vos dettes… Face à des injonctions contradictoires, des réglementations hors sol, votre métier est devenu impossible. Aujourd’hui, la Ferme France est siphonnée jusqu’à la moelle pour faire tourner la chimère de la croissance infinie.”

 Version complète du discours, avec les sources.

Une rebelle ALIAS Christiane Lambert :

Que de chemin parcouru depuis l’après-guerre et cette nuit du 13 au 14 mars qui a vu la création de notre syndicat¹. Rappelez-vous, après guerre, les défis que nous avons du relever. Reconstruire l’agriculture française et nourrir tout un peuple durement frappé par des années de privation. Nous avons relevé ces défis. L’agriculture française, la Ferme France, est devenue un fleuron de l’économie nationale, un secteur clé de la balance commerciale du pays². Nous exportons dans le monde entier et le monde entier nous envie la qualité de nos produits, notre savoir faire, nos terroirs, notre patrimoine. L’agriculture française est aujourd’hui l’une des plus performantes au monde. Nous nourrissons les hommes, les femmes, les enfants, les animaux, la planète¹ !

Pourtant, nous devons rester lucides et force est de constater que ces dernières décennies notre bilan s’est assombri, c’est le moins que l’on puisse dire.

Nous n’avons pas su stopper l’hémorragie au sein de la population des agriculteurs.

Et par notre vison industrielle de l’agriculture nous l’avons même accéléré. En 50 ans, de 1970 à 2020, le nombre d’exploitations a été divisé par 4³,[^4](https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/lagriculture-francaise-en-5-chiffres-fous-1371637) La moitié personnes occupant un emploi permanent dans des exploitations agricoles va partir à la retraite dans les 5 prochaines années[^5](https://www.lafranceagricole.fr/actualites/article/836180/relever-le-defi-du-renouvellement-des-actifs). Entre 2010 et 2020, la France a perdu 100.000 fermes⁴. Nous n’avons pas su stopper cette hémorragie.

Nous n’avons pas su sauvegarder nos fermes et nos champs.

Aujourd’hui 20% des exploitations les plus grandes concentrent les deux tiers du potentiel économique de l’agriculture nationale⁵. La taille des exploitations a plus que triplé en 50 ans[^4](https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/lagriculture-francaise-en-5-chiffres-fous-1371637). Ce phénomène, nous l’avons démultiplié en encourageant le remembrement, la mécanisation, la course au rendement. Ce phénomène, nous l’avons soutenu par notre ingérence dans les SAFER en imposant que les fermes partent toujours à l’agrandissement. Les fermes familiales sont remplacées par des structures de plus en plus grosses, voire des fermes usines. Et nous avons fermé les yeux sur une artificialisation des sols galopante⁶. Nous n’avons pas su sauvegarder nos fermes et nos champs …

Nous n’avons pas su préserver la qualité de l’alimentation de nos concitoyens et concitoyennes.

Plus de 47% des adultes français sont en surpoids ou obèses⁷. 10 millions de tonnes de produits par an sont gaspillés⁸ et les distributions alimentaires explosent⁹ (immigré.e.s, chômeur.euse.s, retraité.e.s et maintenant salarié.e.s en CDI, étudiant.e.s¹⁰. Les Français et les Françaises n’ont pas accès à une nourriture de qualité et à un prix abordable¹¹. Nous n’avons pas su préserver la qualité de l’alimentation de nos concitoyens et concitoyennes…

Nous n’avons pas su VOUS protéger, vous, agriculteurs, agricultrices.

Vous êtes aujourd’hui pris en tenaille par des lobby industriels et financiers: contraint.e.s d’acheter des outils toujours plus techniques, plus performants et plus chers, d’utiliser plus de produits chimiques pour augmenter rentabilité et productivité, d’accumuler les prêts pour toujours grossir d’avantage et d’augmenter vos dettes… Face à des injonctions contradictoires, des réglementations hors sol, votre métier est devenu impossible¹². Aujourd’hui, la ferme France n’est plus dirigée par des agriculteurs. Elle est siphonnée jusqu’à la moelle pour faire tourner la chimère de la croissance infinie. Nous n’avons pas su vous protéger, vous, agriculteurs, agricultrices.

Nous n’avons pas su partager les ressources disponibles ni préserver l’environnement.

Le label HVE (le bio au rabais, comme vous le savez)[^15](https://reporterre.net/Trompeur-le-label-HVE-attaque-par-l-agriculture-bio) ou l’accord sur les énergies renouvelables signés avec Total¹³ ne nous ont jamais vraiment permis de faire illusion. Nous avons aussi préféré encourager des projets de méga bassines plutôt que d’ouvrir un débat nécessaire sur le partage de la ressource en eau. Enfermé dans une vision industrielle de l’agriculture nous avons toujours privilégié le “produire plus” au “produire mieux” au détriment des écosystèmes et de la biodiversité. Résultat, 70% des insectes ont disparu en Europe en 30 ans, et nos pratiques agricoles (pesticides, monoculture et surexploitations ds sols) nos pratiques agricole en sont en responsables. Nous n’avons pas su partager les ressources disponibles ni préserver l’environnement.

C’est pourquoi, face à ce bilan désastreux, nous avons décidé un changement de direction fort au sein de notre syndicat.

Et je laisse la parole à Arnaud pour vous expliquer tout ça.

Un rebelle ALIAS ARNAUD ROUSSEAU :

Merci Christiane.

Fini, le soutien aux multinationales céréalières qui profitent des crises actuelles pour grossir d’avantage¹⁴.

Fini les usines de 1.200 torrillons ou les fermes de 1.000 vaches. Nous défendrons dorénavant les plus petits, les paysans et paysannes, celles et ceux qui pratiquent une agriculture résiliente et régénérative, qui travaillent avec et pour la nature plutôt qu’en l’exploitant, qui respectent et restaurent la biodiversité. Nous ne défendrons plus des exploitants, mais des paysans et de paysannes.  D’ici 10 ans, nous voulons en voir 1 million en France¹⁵ !

Fini la soumission aux lobbys qui nous empêchent de répondre aux demandes de nos concitoyen.e.s.

Nous privilégierons dorénavant l’agroécologie dans des exploitations à taille humaine et la production d’une alimentation saine et accessible. Nous nous passerons des intermédiaires et recréerons du lien entre paysan.ne.s et citoyen.ne.s.

Fini les donneurs de leçon.

Redevenons maître de nos fermes, de nos champs. Fini la dépendance aveugle aux pesticides et engrais chimiques qui nous intoxiquent, tuent nos sols et font baisser nos rendements à long terme. Réapprenons à cultiver avec la nature, choisissons ce qui y pousse et comment ça pousse. 

Fini le capitalisme qui constamment nous met en concurrence les uns les autres, sans aucun espoir ni pour les uns, ni pour les autres, sauf pour quelques rares privilégiés.

Nous remettrons en cause tous les traités qui harmonisent par le bas des conditions sociales du travail¹⁶.

Fini les monopoles, notre monopole, celui de notre syndicat¹⁷.

Fini les conflits d’intérêts. Nous proposerons  de réformer les élections dans les chambres d’agricultures¹⁸ pour qu’elles soient enfin à l’image de la ferme France, multiples, diversifiées. Nous souhaitons instaurer un dialogue entre agriculteur.ice.s et citoyen.ne.s, pour décider ensemble l’agriculture et l’alimentation que nous souhaitons, et ne plus nous laisser dicter nos pratiques par des lobbys agro industriels qui n’agissent que dans leur propre intérêt économique.

Il est grand temps que l’agriculture et l’alimentation soient sauvées des griffes des marchands. 

Pour toutes ces raisons, je vous annonce ici et maintenant ma démission au sein du groupe Avril ainsi que de mon poste au sein de la chambre d’agriculture d’Ile de France. Un cumul des mandats ignoble dans le monde que nous voulons construire. 

Chers amis, il est temps de prendre nos responsabilités, avec courage et dignité. Son temps est révolu : je vous annonce la fin de la FNSEA.

Soyons dorénavant les agriculteurs et les agricultrices d’une agriculture du vivant. Vive le SNAV, vive le Syndicat National pour une Agriculture du Vivant !

Un tel changement de direction, méritait bien un nouveau logo. Le voici.

Tchin !

POUR EN SAVOIR PLUS : CAMPAGNE CHANGEMENT DE RÉGIME