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Pour celles et ceux qui n’auraient pas le goût ou le courage d’aller au bout de cette tribune, commençons par la conclusion : nous, Extinction Rébellion Grenoble, annonçons que le festival Tomorrowland, sous cette forme, sera le dernier. Alors profitez-en bien, festivalier·ère·x·s, car l’an prochain : soit ce festival n’aura pas lieu, soit il sera un tout autre !

Enjoy your Last TomorrowLand

De quoi s’agit-il ?

Du 18 au 25 Mars, se tient le festival Tomorrowland dans la station de l’Alpe d’Huez. Les récents articles du Dauphiné Libéré (éditions Grenoble du 16 Février et du 3 Mars) donnent la démesure de “cet immense festival techno considéré comme l’un des événements festifs les plus courus de la planète”. “20 000 festivaliers, plus de 150 artistes, 10 scènes dont une, couverte, capable d’accueillir 10 000 personnes par soir”. Et de citer M. Badjily, directeur de l’office de tourisme de l’Alpe d’Huez : “Tomorrowland, c’est le coup du siècle, […] avec des gens qui ont un pouvoir d’achat élevé. […] Dans nos bars, c’est le 31 décembre tous les soirs”. Le journal n’omet toutefois pas les quelques à-côtés : “un tel barnum n’est pas sans poser problème. La consommation excessive d’alcool et de produits stupéfiants est une réalité […]”. On complètera en donnant le coût pour les festivalier·ère·x·s : 255 € pour les 4 jours de festival hors voyage, forfait de ski (58 € la journée), hébergement, nourriture, etc.

Quels impacts ?

L’impact qui est mis en avant par ses promoteurs est principalement économique. Ainsi, dans le Dauphiné Libéré, on relève que “rarement un événement donne autant le sourire aux commerçants de l’Alpe d’Huez. Si le festivalier dort dans la station, il consomme également… Et beaucoup !”. Ce festival est aussi une façon d’élargir la clientèle de la station. Selon M. Badjily “c’est un événement qui fait parler de nous à l’international. Aujourd’hui, on nous associe quasiment plus à Tomorrowland qu’au Tour de France”. Quel triste accomplissement !

Faut-il s’en réjouir ? Nous répondons que non, évidemment que non ! D’abord parce que ce complément de chiffre d’affaires n’est pas critique pour les commerçant·e·x·s… Il suffit de lire les témoignages dans le Dauphiné Libéré : cela ressemble surtout à des super profits ! Ensuite parce que la clientèle internationale avec ses tonnes de CO2 dans les bagages, il ne faut surtout pas chercher à la faire venir en plus grand nombre, bien au contraire !

L’impact culturel n’est mis en avant par personne et cela se comprend ! Si l’on peut reconnaître à de nombreux festivals le mérite de faire vivre les scènes locales et de permettre aux habitant·e·x·s des territoires d’en profiter, ce n’est clairement pas l’objectif de Tomorrowland. Comme l’indique le journal de l’Alpe d’Huez (supplément spécial Tomorrowland - 2022) : “Tomorrowland est une expérience à part : une semaine d’émotions et de plaisirs surdimensionnés (sic), une sublime parenthèse enchantée qui vous attrape, vous réconforte et vous transporte, une semaine de ski et de musique inoubliable à jamais gravée en chaque People of Tomorrow.” Les habitant·e·x·s de Bourg d’Oisans, on l’aura compris, n’ont pas le profil des “People of Tomorrow”…

L’impact carbone de ce festival ne fait également l’objet d’aucune mention, que ce soit dans la presse locale ou encore sur le site web du festival ou la communication de la mairie de l’Alpe d’Huez. On peut estimer (sur la base de la répartition de clientèle fournie dans le Dauphiné Libéré) que la seule empreinte carbone des vols en avion excède 6 000 tonnes équivalent CO2. En intégrant tous les déplacements en voiture, la logistique du festival et la (sur)consommation pendant le festival (énergie, nourriture, hébergement, etc), l’empreinte carbone est comparable à la valeur annuelle de l’ensemble des villageois résidant à l’Alpe d’Huez… C’est faramineux ! À noter que c’est également supérieur aux émissions carbone moyenne annuelle de plus de 50 000 habitant·e·x·s en Ouganda (source : https://donnees.banquemondiale.org) où la fondation Tomorrowland s’enorgueillit de mener des actions humanitaires… C’est indécent !

Nuisances sonores, lumineuses, surexploitation de la ressource en eau (les canons tourneront sûrement à plein pour assurer une expérience optimale aux festivalier·ère·x·s), etc, sont autant d’autres impacts qui ne sont évalués nulle part. Puisqu’on vous dit que ça ramène de l’argent !

Est-ce ce monde que nous voulons ?

On aurait pu penser que “le monde d’après” serait différent. On aurait souhaité que la recherche du profit ne soit plus l’alpha et l’oméga de nos sociétés occidentales. On aurait pu rêver que le respect de la nature et de la vie, sous toutes ses formes, devienne notre nouvelle boussole. Et, à en croire l’ONG Moutain Wilderness dont le représentant en France, Vincent Neirinck, est cité par le Dauphiné Libéré, nous ne sommes pas les seuls : “Il commence à y avoir une espèce de ras-le-bol général. Le Covid a remis au goût du jour un certain nombre de valeurs autour de la montagne, notamment sa capacité à être une zone refuge”. Cet événement abject montre que pour les People of Tomorrow, il n’en est rien.

Nous pensons qu’une telle quantité d’énergie et de moyens humains, matériels et financiers saurait être mieux utilisée que par Tomorrowland et son principe de consommation de luxe, qui est loin d’être une priorité quant à la distribution des ressources. Nous pensons aussi que les personnes les plus aisées et ayant par conséquent l’empreinte carbone la plus importante doivent être les premières à appliquer les principes de sobriété, et que notre modèle de société doit changer pour prendre en compte l’impact écologique et social de leur mode de vie. Ce festival repose sur l’artificialisation des territoires, entraîne des milliers de déplacements en avion sur des milliers de kilomètres, consomme une quantité d’énergie invraisemblable, pollue à tous les niveaux et contribue au réchauffement climatique, pour un loisir privilégié et pour enrichir les entreprises qui l’organisent et qui en profitent. La justice climatique passera par une contribution équitable à l’effort écologique de la part de chacun·e·x, objectif impossible à atteindre quand un tel évènement permet à certain·e·x·s de causer autant d’émissions de gaz à effet de serre ; c’est pourquoi nous dénonçons Tomorrowland et le modèle socio-économique capitaliste sur lequel il est basé.

Notre ultimatum !

Ce festival n’a aucune justification autre que la recherche du profit, que ce soit à court terme (soutirer un maximum d’argent aux festivalier·ère·x·s), ou à long terme (attirer la clientèle internationale).

Ce festival n’apporte aucun bénéfice culturel sur le territoire qu’il envahit.

Ce festival draine des “People of Tomorrow” depuis les 4 coins de la planète avec un coût climatique inacceptable.

Avec ce festival,la montagne est accaparée par les riches. Alors que nous devons faire preuve de sobriété, aussi bien en énergie que sur les ressources naturelles, au premier titre desquelles figure l’eau, et que certain·e·x·s subissent déjà cette sobriété (qu’on appelle alors pauvreté), les “People of Tomorrow” se livrent à une immense gabegie !

Pour toutes ces raisons, ce festival ne doit plus se tenir !

Soyons tristement lucides : les organisateurices, la mairie et l’office de tourisme de l’Alpe d’Huez, les commerçant·e·x·s, ou les propriétaires loueurs voudront profiter encore et toujours de cette manne dont ils n’ont pas - ou si peu - à assumer les contreparties négatives.

Alors nous ferons en sorte que le festival 2024, s’il devait être programmé, soit un véritable cauchemar pour ses organisateurices et pour ses “People of tomorrow”.

Rendez-vous est pris ! Nous sommes la montagne qui se défend !

XR Grenoble

+ Pour aller plus loin

Pour aller plus loin :

Il faut lire le supplément du journal de l’Alpe d’Huez pour prendre la mesure du monde dans lequel vivent les “People of Tomorow”. La déconnexion avec le quotidien de milliards d’individus est totale. La prise en compte de l’état du monde et des menaces qui pèsent sur tout le vivant est inexistante. La nécessité d’une justice sociale et donc d’efforts plus marqués par les riches que par les pauvres à l’échelle de la planète est totalement absente. Il s’agit d’entretenir un entre-soi dans une sorte de bulle heureuse et insouciante.

Voici, un petit florilège de l’article faisant un retour sur l’édition 2022 (supplément spécial Tomorrowland - 2022) :

“Il leur (les organisateurs) aura fallu être des visionnaires résolument positifs pour se lancer, tête baissée, dans l’organisation du festival en misant sur leurs bonnes étoiles et sur l’enthousiasme des festivaliers qui avaient déjà répondu présents en rendant le festival SOLD OUT dès début novembre 2021.”

“People of Tomorrow, vous allez pouvoir faire la fête comme dans la vie d’avant.”

“Les 18 000 visiteurs et la centaine des meilleurs DJs de la planète se sont retrouvés à l’Alpe d’Huez prêts à offrir et à vivre intensément, tous ensemble, les plus beaux des spectacles. Dans cette ambiance chaleureuse et cosmopolite, si particulière aux festivals de Tomorrowland, les surprises et nouveautés ont su ravir les People of Tomorrow”

“Avec ses écrans LED géants, the CAGE, […] était impressionnante en action et parfaite pour mettre sur le devant de la scène l’univers techno & hardstyle.

“Et lorsque volaient les confettis et que le CO2 entrait en action (sic !) tout devenait encore plus majestueux le tout dans le plus grand des conforts.”

“Une fois encore Tomorrowland aura su transporter les People of Tomorrow loin de leur quotidien (sic !) dans cet univers féérique bienveillant et terriblement dépaysant où s’émerveiller, s’amuser et danser follement sont les seuls impératifs”.

Parmi les autres pépites glanées dans ce journal :

Le fait que la soirée techno dans l’église était sponsorisée par FTX, la société de cryptomonnaie hype qui a fait faillite depuis…

Une perle dans l’article vendant la session 2023, qui nous fournit une bien triste conclusion : “un festival qui est désormais largement attendu, un moment fort inscrit dans le calendrier des expériences d’une vie à ne pas manquer”


2023 - Last Tomorrowland in the Alpe d’Huez

For those who would not have the desire or the courage to read this entire tribune, let’s begin with the conclusion: we, Extinction Rebellion Grenoble, announce that the TomorrowLand Festival, in this form, will be the last one. So enjoy it, partiers, because next year: either this festival will not happen, or it will be completely different!

What is Tomorrowland?

From the 18th to the 25th of March, the TomorrowLand Festival will occur in the Alpe d’Huez ski resort. The recent articles from the Dauphiné Libéré (Grenoble’s editions of the 16th of February and the 3rd of March ) indicate how excessive the festival is: “this huge techno festival considered as one of the most trendy festive events of the world” ; “20,000 party goers, more than 150 artists, 10 stages, including one that could accommodate 10,000 people each evening”. To quote Mr. Badjily, director of the Alpe d’Huez’s tourism office: “TomorrowLand is a jackpot, […] with people that have a high purchasing power. […] In our bars, it’s the 31st of December every night.” The newspaper does not omit the few excesses : “such a barnum does involve some issues. The excessive consumption of alcohol and drugs is a reality […]”. We complete this by indicating the cost for the festivalgoers: 255€ for the 4 days of festival excluding travel, ski pass ( 58€ a day ), hosting, food, etc.

What are the impacts?

The impact put forward by its promoters is mainly economic. Therefore, in the Dauphiné Libéré, we notice that “rarely does an event make the merchants smile so much. If a festivalgoer sleeps in the resort, he consumes as well… a lot !” This festival is a way to enlarge the resort’s clientele as well. For Mr. Badjily, “It is an event that makes us more visible around the world. Today we are more famous for TomorrowLand than for Le Tour de France.” What a sad accomplishement!

Do we have to cheer about it? We answer no, of course not! First because this increasing of income is not critical for merchants… we are not talking about their survival, we are talking about lining their pockets (read the interviews in the Dauphiné Libéré)! Secondly, because we don’t want to make the international clientele come in bigger numbers, carrying tons of CO2 in their luggages!

The cultural impact isn’t talked about by anyone and it is understandable! We could give many festivals the merit to make the local artists live and permit to a local people to enjoy it, it’s clearly not the goal of this festival. As indicated by the Alpe d’Huez’s newspaper (special TomorrowLand supplement - 2022) : “TomorrowLand is an apart experience : a week of oversized emotions and pleasures (sic), a sublime enchanted parenthesis that catches you, comforts you and takes you away, a week of ski and unforgettable music, always inscripted in each Person of Tomorrow.” The inhabitants of Bourg d’Oisans, as we can see, don’t have the profile of “Persons of Tomorrow”…

The carbon impact of this festival isn’t mentioned, neither in the local press, neither on the festival’s website or in the communication of the Alpe d’Huez’s village. It can be estimated (on the basis of the clientele’s repartition given in the Dauphiné Libéré) that the carbon footprint of air travel alone exceeds 6,000 tonnes of CO2 equivalent. Including all the car travels, the festival’s logistic and the (over) consumption during the festival ( energy, food, hosting, etc ), the carbon footprint is comparable to the annual value of all of the Alpe d’Huez inhabitants… that is huge! Also to note that it is also the annual carbon footprint of more than 50 000 people in Uganda, where the TomorrowLand fundation takes pride in leading humanitarian actions… that’s indecent!

Light pollutions, overexploitation of the water resources (snow cannons will surely work to their full potential to provide an optimal experience for festivalgoers), etc, are some of the many impacts that are not evaluated elsewhere. Since you are told it is profitable!

Is it the world we want ?

We could have thought that “the world after COVID 19” would be different. We would have liked the pursuit of profit to be no longer the alpha and omega of our western societies. We could have dreamed that the respect of nature and life, in all its forms, would become our new compass. This disgusting event shows that it’s not the case.

We think that such a quantity of energy and humans, materials and financials means could be used better than by TomorrowLand and its principle of luxury consumption, which is far from being a priority on the resources distribution. We also think that the wealthiest persons who have the highest carbon footprint should be the first ones to apply the sobriety principles, and that our model of society must change to consider the ecological and social impact of their way of life. This festival is based on the territories’ artificialization, results in thousands of flights over thousands of kilometers, uses an incredible quantity of energy, pollutes at all levels and contributes to global warming, for a privileged leisure and to enrich the enterprises that organize and benefit it. Everyone must contribute to achieve our ecological goals, but these goals will never be met if the rich few are encouraged to consume and pollute so much by going to such an event: that is why we denounce TomorrowLand and the capitalist socio-economic model on which it is based.

Our ultimatum

This festival has no justification other than the search for finantial gain, in the short term (get a maximum amount of money from festivalgoers), or in the long term (attract international clientele).

This festival does not bring any cultural benefits to the territory it invades.

This festival takes “People of Tomorrow” from all around the world with an unacceptable climatic cost.

With this festival, the mountain is monopolized by the richest. When we need to be more sober, both on energy and natural resources, and most of all on water, and when some already experience this sobriety (which is called poverty), the People of Tomorrow are proceeding a complete mismanagement!

For all these reasons, the TomorrowLand Festival must not happen !

Let’s be sadly lucid: the organisation, the city-hall and the tourism office, the merchants, and the landlords will still and always want to profit from this event while disregarding the negative impacts. So we’re going to make the 2024 festival, if it’s planned, a real nightmare for its organizers and its “People of TomorrowLand”.

The appointment is set ! We are the mountain defending itself !

Extinction Rebellion Grenoble