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Le mouvement Extinction Rebellion est aussi divers et riche que les rebelles qui y participent. Cet est espace « Parole de rebelles » est ouvert à toutes les contributions personnelles ponctuelles. Les avis exprimés ici par les rebelles sont personnels et n'engagent que leurs auteur·e·s et pas le mouvement Extinction Rebellion dans son ensemble (France et International).

Jeudi 10 mars, nous avons collé avec le collectif Actions Refugees Paris les affiches de la campagne de Faim aux Frontières dénonçant les violences de l’État envers les exilé·e·s, en parallèle du lancement de la campagne « XR contre la haine ».

“La situation ukrainienne a mis en lumière l’hypocrisie et le racisme d’État : nous savons qu’il y a de la place et des moyens pour accueillir dignement les personnes exilées. Seulement, l’État préfère dépenser des milliards pour la militarisation des frontières, pour l’acharnement policier (contrôles aux gares, expulsions de camps, destruction de tentes et biens personnels, etc.), pour l’enfermement en centres de rétention et pour les patrouilles invisibilisant les personnes contraintes de se cacher. L’UE investit d’énormes sommes dans l’agence Frontex, les garde-côtes libyens, les lobbies de la sécurité et de l’aéronautique. Il s’agit d’une volonté de maltraitance délibérément raciste.

Or racisme et écologie ne sont pas dissociables. Le système capitalisme est profondément ancré dans l’histoire coloniale, et ne continue de fonctionner que grâce aux dynamiques néocoloniales contemporaines. Il a définitivement transformé les économies locales et apporté son lot de désastres sociaux et environnementaux : la surexploitation de l’environnement (provoquant conflits pour l’accès aux ressources, catastrophes naturelles, épidémies, empoisonnement des terres et des cours d’eau, etc.) ne va pas sans l’exploitation des populations elles-mêmes dans un système de domination économique néocolonial bénéficiant aux pays riches (provoquant accroissement des inégalités, pauvreté, travaux dangereux et mortels, cancers, etc.).

En plus de subir cette surexploitation appauvrissant ses populations et ses ressources, contraignant de nombreuses personnes à fuir les conflits politiques et militaires vers l’Europe, les pays du Sud sont les plus exposés aux changements climatiques provoqués par les pays riches et industrialisés (montée des eaux, sécheresses, catastrophes naturelles, famines, etc.). Alors que si l’on résonne en termes d’émissions importées de gaz à effet de serre, qui ne sont même pas prises en compte dans les politiques nationales, ce sont les pays du Nord qui sont presque entièrement responsables de la catastrophe climatique.

Il est important de parler d’écologie décoloniale et de racisme environnemental : les populations racisées, y compris en France, sont les plus exposées à la pollution et aux dégâts environnementaux : scandale du Chlordécone aux Antilles, populations racisées des quartiers défavorisés, populations Roms et campements d’exilé·e·s près de grands axes routiers et de sites industriels polluants et toxiques, etc.

Après avoir longtemps été reniée pour protéger le capitalisme fossile, l’urgence climatique se voit maintenant invisibilisée au profit de ses discours anti-immigration. Pour l’extrême-droite, le réchauffement climatique ne serait qu’un complot masquant la véritable menace que constituerait l’immigration (sous-entendue non-blanche et en particulier musulmane) pour son idéal ethno-nationaliste. Érigeant le « grand remplacement » en discours apocalyptique, et l’Islam en pollution qui devrait être contrôlée avant qu’il ne soit trop tard, l’extrême-droite détourne habilement l’anxiété ambiante vers sa cible de prédilection : l’immigration. Elle cherche à redorer la « grandeur de l’Occident » notamment à travers l’utilisation des énergies fossiles qui ferait sa supériorité sur les autres continents.

Ces énergies fossiles, qui sont la base de toutes nos activités capitalistiques, sont les principales sources du réchauffement climatique, et financent également les régimes totalitaires qui poussent des familles entières à l’exil : le budget militaire de la Russie correspond à peu près à la valeur de ses exportations de combustibles fossiles vers l’Europe. Dans le Sud global, l’Europe continue de mener les politiques extractivistes qui lui profitent tout en fermant ses frontières aux personnes dont elle a rendu l’environnement invivable, épuisé les ressources ou corrompu le gouvernement.

Par ailleurs, quand l’environnement n’est pas surexploité, il est instrumentalisé : certains territoires des pays du Sud sont confisqués sous prétexte de protection écologique. L’idéologie coloniale « civilisatrice » a laissé place au « colonialisme vert ». La nature est appropriée avec la même logique de domination que l’impérialisme militaire ou économique. Sa protection sert d’argument au contrôle colonial des terres. Au fil du temps, les fronts pionniers sont devenus des fronts écologiques, contrôlés notamment par de grandes ONG environnementales. L’occident continue de s’accorder le droit de découper et surtout hiérarchiser les territoires, les populations locales sont expulsées des parcs nationaux et des réserves. Nous refusons que les luttes écologistes reposent sur une vision occidentalo-centrée de la nature et servent le renouveau colonial autant que nous refusons l’extractivisme énergétique et la surexploitation.

Nos luttes écologistes doivent être radicales : anticapitalistes, antifascistes, antiracistes et décoloniales. Nous devons accueillir dignement les personnes que le système capitaliste néocolonial notamment, à travers les conflits et les désastres écologiques qu’il engendre, a poussé à l’exil.

Rédigé par le collectif “Actions Refugees Paris” et le groupe “XR contre la Haine”

En savoir plus :

  • L’article “Pour une écologie décoloniale” et ses références
  • Fascisme fossile : L’extrême droite, l’énergie, le climat, Zetkin Collective, 2020, La fabrique éditions
  • Blanc, G. (2020). L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain. Flammarion
  • Duterme, R. (2020). Petit manuel pour une géographie de combat. La Découverte
  • Guyot, S. (2015). Lignes de front : l’art et la manière de protéger la nature. HDR en Géographie. Université de Limoges.