Tu penses être une personne sensée et responsable ? En fait tu es essentiellement irrationnel·le et inconséquent·e. Mais rassure-toi (ou pas), tu es juste comme tout le monde.
Tu ignores ce qu’est le biais de sur-confiance ? Comment s’appelle la toute petite zone du cerveau qui te dicte tes comportements ? Et selon quels mécanismes ? Tu penses que le mot « nudge » fait référence à une confiserie britannique ?
Et surtout, tu ignores ce que tout cela a à voir avec l’urgence bioclimatique ?
Ce serait dommage de rester dans l’ignorance de ces notions fondamentales !
Quelques précisions :
- Le ton de ce billet se veut humoristique pour en rire plutôt que d’en pleurer…
- L’idée n’est pas de faire porter la responsabilité de la situation actuelle sur les seuls individus, et surtout pas sur celles et ceux qui en sont ou seront aussi les principales victimes. Cependant, au bout du compte ce sont bien des individus qui prennent les décisions, petites ou grandes, qui nous y ont mené.es et/ou pourront agir dessus.
Homer Simpson maître du monde
Sondage après sondage, il semble être démontré que la population, du moins dans certains pays européens clés, est maintenant globalement en faveur d’une réelle prise en compte des problématiques environnementales.
Pourtant, cette conscience ne se traduit pas en général dans les comportements individuels. Elle n’est pas présente en continu dans le quotidien. Et les comportements sont même bien souvent en opposition franche avec ces enjeux.
Pourquoi restons-nous majoritairement autosolistes, sans même essayer de s’inscrire sur une plateforme de covoiturage ? Pourquoi est-ce si difficile de faire reculer le gaspillage alimentaire, ou de faire évoluer son régime vers des aliments moins polluants ? Pourquoi un si grand nombre de personnes qui se disent convaincues de l’urgence ne s’engagent-elles pas davantage dans la lutte nécessaire ? Comment la.le présentateurice du JT peut-iel, sans sourciller ni changer de ton, placer un sujet sur les cataclysmes qui surviennent ou se préparent, entre un sujet sur la poterie provençale et un autre sur le dernier match du PSG ?
Si l’on fait l’hypothèse, un peu simplificatrice, que nous sommes suffisamment informé.e.s, sensibilisé.e.s et de bonne volonté pour aller vers des changements que nous jugeons nécessaires, alors comment expliquer que ces changements dans nos comportements ne se produisent pas ?
Il y a bien sûr de multiples explications, notamment politiques et économiques. Mais si le problème était encore plus profond que ça ? Une théorie née dans les années 70, l’économie comportementale, apporte la réponse suivante : c’est parce que nous n’agissons pas de manière rationnelle. Mais cette théorie ajoute : nous sommes irrationnel.le.s de manière prévisible — et ça change tout. Notre cerveau est câblé avec des « biais cognitifs » systématiques.
Notre prise de décision dépend de deux systèmes cognitifs complémentaires et concurrents, qui tournent en parallèle. Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie en 2002, les appelle « fast thinking » et « slow thinking » (système 1 et système 2, dans la traduction française).
Le système 1, rapide,
fonctionne de manière inconsciente et automatique, utilise peu de ressources mentales mais fait pas mal d’erreurs d’appréciation. Il se base sur des préjugés et des simplifications. Pour autant, il nous permet de prendre en permanence un très grand nombre de décision bonnes sans mettre notre cerveau en surchauffe.
Le système 2, lent,
se rapproche de la notion habituelle de rationalité. Il mobilise toutes les ressources mentales pour peser le pour et le contre et fait beaucoup moins d’erreurs. Comme le système lent est conscient, contrairement au système rapide, dans notre perception de nous-mêmes, nous pensons ne prendre de décisions que sur ce mode. Mais c’est faux : la grande majorité de nos décisions est prise par le système rapide.
Conséquence : Si on veut faire changer l’opinion ou les comportements, c’est par le système rapide des gens qu’il faut passer. Et pour convaincre par le biais de ce système, il faut obéir à ses règles à lui : l’image plutôt que le langage, des liens logiques ultra simples plutôt que des raisonnements complexes… Ça explique pourquoi quelques pépiements numériques rageurs, simplistes et improvisés d’un certain président peuvent avoir plus d’impact dans l’opinion qu’un rapport du Giec, fruit du travail de 100 spécialistes pendant 3 ans…
Si ton système rapide ne t’a pas déjà fait lâcher cette docte lecture pour passer à une activité plus gratifiante comme jouer avec ton chien ou réparer ton vélo, et si tu as envie de savoir quel est donc le substrat biologique de cet étonnant fonctionnement de ta psyché, alors rendez-vous pour le deuxième épisode de ton feuilleton d’été :