Le week-end du 29-30 octobre 2022 s’est déroulée une manifestation sans précédent dans les Deux-Sèvres avec 10000 manifestants contre un nouveau projet de méga-bassine à Sainte-Soline. Extinction Rebellion est solidaire du collectif Bassine non merci ! et plusieurs groupes locaux ont participé à la manifestation.
Le campement sur le terrain prêté par un agriculteur - Crédit photo : Léa Guedj.


C’est quoi les méga-bassines ?

Les méga-bassines, appelées par l’administration réserves de substitutions, sont des ouvrages de stockage d’eau pour l’irrigation. Elles s’étendent en moyenne sur une superficie de huit hectares soit l’équivalent d’une dizaine de terrains de football, les plus grandes s’étalent sur jusqu’à 18 hectares.

Contrairement à ce qui est communiqué par les initiateurs du projet, elles ne sont pas remplies avec l’eau de pluie ni de l’eau de ruissellement. Les bassines sont alimentées par des pompes qui puisent dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau. Ces pompages (même s’ils ont lieu en hiver) accentuent la pression sur les ressources en eau, alors que les nappes phréatiques peinent à se reconstituer.


Pourquoi construire des bassines ?

Face aux pénuries d’eau en été, la solution “magique” trouvée par les agro-industriels et le gouvernement est de construire des bassines pour pomper de l’eau en hiver et la stocker. Une minorité d’exploitations (environ 5%) a le privilège d’être connectée à la bassine et de bénéficier de cette eau pour irriguer les cultures l’été, alors que le reste du territoire subit le manque d’eau et doit s’adapter aux restrictions préfectorales.

L'un des trois cortèges se dirigeant vers la méga-bassine - Crédit photo : Léa Guedj


Qui finance les ouvrages ?

L’argent pour ces projets privés ne sort pas uniquement de la poche des irrigant.e.s… Ces ouvrages sont subventionnés à plus de 70% par de l’argent public (soit 60 millions d’euros). Le principal financeur est l’Agence de l’eau… elle-même financée majoritairement (70%) par une taxe prélevée sur les factures d’eau des citoyen.ne.s !


A quoi sert l’eau des bassines ?

Essentiellement à irriguer du maïs dont une bonne partie sera exportée. Cette plante, qui a besoin d’eau à un moment où il y en a peu (d’autant plus sur des sols superficiels), n’est pas adaptée à nos conditions pédoclimatiques et est principalement utilisée pour nourrir les animaux d’élevage industriel. Les exploitants l’utilisent aussi pour arroser des cultures qui finiront dans un méthaniseur pour en faire de l’énergie.

Quand des restrictions préfectorales sont décidées, elles ne s’appliquent pas aux propriétaires de méga-bassines. Ceux qui ont accès aux bassines ont le droit de continuer à arroser en tant de sécheresse.

Avec ce modèle, les pratiques agricoles sur notre territoire ne fournissent qu’à peine 2 % de notre consommation en fruits et légumes !

L'un des trois cortèges a réussi à s'introduire sur le site privé de la méga-bassine de Sainte-Soline, paysage lunaire protégé par les forces de l'ordre - Crédit photo : Léa Guedj.


Quelles sont les conséquences ?

Les méga-bassines ont un impact sur le milieu naturel et la biodiversité. En stockant une eau qui se serait infiltrée dans les sols ou aurait ruisselé dans les cours d’eau, elles privent les écosystèmes environnants d’une ressource vitale, qui permet notamment aux zones humides et aux sols de se reconstituer pendant la période hivernale.

De plus les méga-bassines contribuent à maintenir coûte que coûte un modèle agro-industriel dévastateur.

Et il est évidement que le reste du territoire subira le manque d’eau encore plus fortement à cause de la construction des méga-bassines qui ont empêché les nappes et les cours d’eau de se reconstituer.


Et la FNSEA dans tout ça ?

Elle participe, développe et encourage les méga-bassines. Son lobby au sein du gouvernement est tel que celui-ci soutient à 100% tous les projets de méga-bassines. Pour preuve, il suffit d’écouter Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA : France Info FNSEA & Méga-bassines. “Mégabassine de Sainte-Soline” France Info le 2 novembre 2022.

Et quand nous clamons le droit à une agriculture respectueuse de la nature et des paysan.ne.s, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, au service des grands de l'agro-industrie de rétorquer au micro de France Info : il y a une diabolisation et l'agriculture est prise en otage.

+ Transcription de l'interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA 

Les journalistes : Est-ce qu’il faut reprendre le chantier coûte que coûte selon vous ?

Christiane Lambert : Le climat change, l’agriculture change. L’agriculture a besoin d’eau pour produire, l’agriculture produit votre alimentation. C’est de l’eau pour produire votre alimentation ! Prélever l’eau l’hiver, quand elle est abondante pour la stocker pour l’utiliser l’été, c’est juste du bon sens.

Les journalistes : Mais les opposants disent que c’est un non-sens écologique parce que ça accélère le problème de sécheresse que ça prétend résoudre.

Christiane Lambert : (pas de réponse à la question de l’écologie.) Il y a des autorisations de prélèvements qui sont encadrées, du 1er novembre au 1er avril, on ne pompe pas ça n’importe comment. Les autorisations sont délivrées par un établissement public, c’est l’état aussi qui décide d’octroyer ou pas ces possibilités de prélèvements, tout comme c’est l’état qui décide d’octroyer les volumes d’eau pour les agriculteurs, pour leurs cultures. C’est géré comme un bien commun. C’est tout sauf l’agro-business. C’est tout sauf le grand capital. C’est de l’économie sociale et solidaire. Ça n’a rien à voir avec toutes les élucubrations qu’on a entendues ce weekend.

Les journalistes : Les opposants disent que les agriculteurs ne respectent pas les contreparties accordées ou signées en échange de ces retenues d’eau, notamment le protocole de réduction d’usage des pesticides.

Christiane Lambert : C’est pas juste, l’engagement, il a été pris sur 5 ans, on peut pas, du jour au lendemain… (Elle claque des doigts). Ils s’engagent à réduire, mais s’il y a une attaque très forte, de mildiou ou de fusariose par exemple, il faut intervenir. L’agriculture, ce n’est pas une science exacte, ça dépend beaucoup du climat, et notamment pour l’intervention avec des produits phytosanitaires.

Les journalistes : Revenons à Sainte-Soline, est-ce que le chantier doit reprendre coûte que coûte ? Le chantier doit reprendre, même s’il est encadré par les forces de l’ordre ?

Christiane Lambert : Le chantier a été autorisé, les études ont été faites. Si vous obtenez un permis de construire, vous êtes dans votre bon droit. il y a une diabolisation et l’agriculture est prise en otage.



Les affrontements entre force de l'ordre et manifestant.e.s dureront plus de deux heures - Crédit photo : Léa Guedj.

Très médiatisée, le dernier rassemblement à Sainte Soline a fait face à une forte répression policière, mains armées d’un état complice des projets mortifères de l’agro-capitalisme.


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No bassaran ! 💧✊

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