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Le mouvement Extinction Rebellion est aussi divers et riche que les rebelles qui y participent. Cet est espace « Parole de rebelles » est ouvert à toutes les contributions personnelles ponctuelles. Les avis exprimés ici par les rebelles sont personnels et n'engagent que leurs auteur·e·s et pas le mouvement Extinction Rebellion dans son ensemble (France et International).

Cet été, 3 rebelles annécien⋅nes et leur précieuse mascotte Mamie Mojo sillonnent les routes de France hexagonale à la rencontre de ses groupes locaux. Leurs intentions ? Faire circuler les savoirs et les questionnements, mais aussi cultiver le lien au sein du mouvement. Voici leur carnet de bord et de débord, voici le carnet de dé-bord-ements de la Caravane du Turfu. 

Escale 1 - Amiens, perlimpinpin ! 

17-20 juillet

Pour le premier arrêt officiel de la caravane, quoi de mieux qu’un accueil chaleureux et un programme réjouissant ? Formation à la désobéissance civile et à la coordination d’action, conférence HFX participative, atelier de Communication non-violente, discussion autour de l’écoféminisme et de la convergence des luttes - rebaptisée pour l’occasion convergence des larmes : que de moments où la confiance et la bienveillance font la richesse des échanges. Rejoint⋅es par des colleur⋅euses contre les féminicides, nous interrogeons nos modes d’action, leur inclusivité et leurs limites. 

Stratégie & compagnie 

En dehors des temps cadrés, ce sont des questionnements qui animent nos discussions : Comment créer un cadre qui permette l’engagement pérenne des nouveaux⋅elles rebelles ? À quelle échelle investir son énergie ? Comment articuler nos stratégies avec les autres formes de contestation ? De façon récurrente, les projets écocides et tentaculaires des alentours, comme un entrepôt Amazon de 75ha aux portes de la ville, ou la construction du parc d’activité Boréalia (https://www.amiens.fr/Vivre-a-Amiens/Developpement-economique/ZAC-BOREALIA-2), font émerger des mobilisations complexes dont le défi consiste à en épouser les nuances. 

PRENDRE LE TEMPS DE PRENDRE SOIN 

Ce que ces échanges mettent en évidence, c’est surtout l’importance, en tant que groupe de militant⋅es, de vivre des temps informels pour partager ses joies et ses déboires, pour cultiver les liens qui nous permettent de se sentir bien dans nos luttes. La nourriture, les lieux qui nous accueillent et le niveau d’énergie du groupe sont autant d’impensés qui se révèlent être centraux lorsque l’on sort d’une logique de productivité. On ne le dira jamais assez : pour s’émanciper collectivement des injonctions partiarcapitalistes, le changement radical de nos systèmes de valeur se pose comme un passage obligé et exaltant - mais aussi inconfortable et déroutant. À ce propos, dédicace particulière aux cookies, soutiens de toujours, dont la réalisation a été à la fois preuve d’amour et créatrice de complicité dont voici la recette.

Sauge qui peut ! 

Avant de partir, les amiénoises nous confié un bâton de sauge purificateur à remettre à nos prochain⋅es hôtes : les militant⋅es de Zaclay, haut-lieu de la mobilisation contre la ligne 18 au sud de Paris. 

Escale 2 - Zaclay : linotte mélodieuse et caviar moléculaire 

24-26 juillet

Quand on débarque sur le plateau de Saclay, le spectacle est impressionnant : à perte de vue, des travaux. 

LIGNE 18 = caca RADIOACTIF

Sous prétexte d’améliorer de la mobilité autour des campus de Paris-Saclay, la ligne 18 porte l’urbanisation massive et irréversible du plateau. Sont détruits des centaines d’hectares des terres agricoles les plus fertiles d’Europe, signant ainsi l’arrêt de mort d’une part importante de la production de l’Île-de-France, qui ne dispose actuellement que de 3 jours d’autonomie alimentaire. Le projet est également inadapté aux besoins en transport : une ligne rapide qui ne s’arrête pas dans les petites gares, et seuelement en direction de Paris, ne résolvant donc pas les problèmes de la mobilité au sein du plateau. 

Bien sûr, la destruction des écosystèmes menace plusieurs espèces comme pipistrelle de Khul, l’œdipode turquoise, ou la linotte mélodieuse - sans parler de la bétonisation qui causera des inondations de plus en plus graves dans les vallées de la Bièvre, de l’Yvette et de la Mérantaise.

Bref, un grand projet inutile comme on les connaît, un gros caca pas compostable à 4,4 milliards d’euros. 

Bien plus qu’une ligne de métro, la ligne 18 incarne un système capitaliste et mortifère, aux moyens tentaculaires. Un projet de société dans lequel urbaniser  les terres agricoles permet de transformer le plateau en un lieu de production de l’élite de la nation. Face au rouleau compresseur, un village d’irréductibles Zaclayistes qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. 

Fin juillet, Jade Lindgaard écrivait un article pour Médiapart dans lequel elle décrit les enjeux systémiques de l’extension du Grand Paris. Voir aussi la lettre ouverte de citoyen⋅nes du plateau aux dirigeant⋅es.

PROUVE QUE TU EXISTES 

À la suite d’une longue histoire de mobilisations contre l’urbanisation du plateau, dont certaines depuis les années 80, le campement de Zaclay a vu le jour au printemps 2020. Le collectif contre la ligne 18 inscrit ainsi la lutte dans l’espace grâce au prêt du terrain par des agriculteur⋅ices. 

Autour d’elleux, un réseau de résistances protéiformes. Un travail de documentation rigoureux est réalisé en collaboration avec la communauté académique et technique de l’université. Les fanzines et tracts divers, héritages d’autres luttes, peuplent la bibliothèque. Le Petit ZPL (Zone de Publication Libre) relaie leurs péripéties. Le groupe local d’Extinction Rebellion, qui se concentre principalement sur la problématique de la ligne 18, apporte son soutien sous des formes variées. Cette semaine, XR profite justement du lieu pour la semaine de Démocratie Sans Filtre - on en profite donc pour se former à l’animation d’assemblée populaires.

En quelques mois, Zaclay est devenu un carrefour des luttes d’Île-de-France. À nos yeux, il révèle l’utilité d’avoir un lieu d’encrage, et l’importance de la beauté, de la créativité et du lien humain dans le combat contre l’anéantissement de la vie. 

Pour signer la pétition du collectif contre la ligne 18, c’est par ici !

SILOS SI LOURDS

Avant de quitter les lieux, un tour des environs s’impose pour mesurer l’avancée des chantiers bloqués il y a quelques mois lors de la Rebellion Internationale d’Octobre. Des silos gigantesques se sont dressés, nos cœurs se sont serrés. Sur le retour, les grues des chantiers d’urbanisation sont autant de points lumineux dans la nuit tombante, formant une constellation morbide. La Zaclayenne en notre compagnie relève : 

« Et encore, il y a quelques mois, en avait vraiment partout. Aujourd’hui, le plus gros est déjà fait »

En effet, la Société du Grand Paris (SGP) met un pied en travers de la porte en commençant à retourner la terre sur toute la longueur de la ligne, afin qu’il n’y ait plus rien à sauver : trop tard pour remettre le projet en question au profit des terres arables ou de la biodiversité, iels ont déjà tout tué. 

100% huile d’olive de synthèse, aucun être sentient n’a été blessé dans le processus

TELL THE TRUFFE

Notre prochaines hôtes étant à Versailles, les Zaclistes nous offrent des billes de caviar moléculaire, parfumées à la truffe - trouvailles d’invendus. C’est peut-être ça la force de Zaclay : on lutte contre le capitalisme écocide, on récupère ses surplus dégueus et dégoulinants, et on les transforme en beauté.

Escale 3 - Yvelines : Le roi, ses perruches et son potager permaculturel 

27-28 juillet

Après la commune, direction les Yvelines pour y rencontrer les groupes locaux Yvelines Nord-Ouest (YNO) et Yvelines Est-Sud (YES). Deux jours, deux groupes, deux tiers-lieux. 

ORGEVAL SUMMER CAMP

Notre premier arrêt se fait à Orgeval, dans un tiers-lieu en émergence. Au cœur du parc municipal de la Brunetterie, ils et elles s’affairent à créer du lien à l’échelle locale, entre les générations et avec une focale sur l’écologie. L’équipe du Summer Camp propose ainsi tout un éventail d’événements, des concerts aux ateliers «  Inventons nos vies bas carbone » en passant par la création de poterie. Ce lieu de vie sociale et de culture, créé par les bénévoles en seulement quelques semaines, appelle à l’admiration. 

Un tiers-lieu n’est ni un habitat, ni un lieu de travail : c’est un troisième espace dans lequel se retrouver, se rencontrer, réaliser ses projets et vivre des alternatives. Il y en a sûrement un près de chez vous, renseignez-vous sur la carte d’Utopies Concrètes !

En petit comité, on fait des ateliers de communication non-violente, on discute d’écoféminisme. On profite des espaces de bienveillance qu’il y a entre nous. 

LE ROI PORTE NOS CULOTTES

Le lendemain, nous sommes accueilli⋅es en grande pompe à l’Ermitage, un tiers lieu dans une dépendance du château de Versailles (humblement, hein). Jardin en mandala permaculturel, aide aux demandeur⋅euses de refuge, ateliers de sensibilisation et maintenant accueil de rebelles : c’est un véritable îlot de subversion au pays des jardins à la française et autres statues de vieux hommes racistes et misogynes. On ancre la certitude qu’un tiers-lieu dans les châteaux de Versailles, c’est une idée pleine de potentiel. Et en attendant de faire tomber la monarchie, rien de mieux que de la désacraliser un peu en étendant notre linge sur ses grilles. 

Malheureusement, on n’a pas de photo de nos culottes qui sèchent sur les grilles du palais. Mais c’était joli, on aurait dit de l’art contemporain. 

PARIS ? PAS PARIS ? PAPARAZZI ? 

Le soir venu, nous sommes rejoint⋅es par un plus grand nombre de rebelles pour faire l’état des lieux de nos groupes locaux respectifs. Échanger sur les problématiques récurrentes nous montre à quel point certains mécanismes sont universels tandis que l’étalement des rebelles dans une zone géographique ou la proximité de Paris créent des dynamiques complètement différentes. Autant de réalités que l’on peut difficile traduire sur les outils numériques, et qui donnent du sens aux rencontres entre les groupes locaux. 

SAUVE QUI PIEU !

Bien-sûr, on ne part pas sans un cadeau pour les rebelles normand⋅es, qui nous accueilleront lors de notre prochaine escale. Ce seront les paroles d’une version féministe de « Le pieu », et des plumes de perruche, parce que oui, miracle de la mondialisation, les Yvelines ont leur propres oiseaux exotiques en liberté.

Escale 4 - Chères bourg-joies, rebellez-vous !

30 juillet, 1 août

On quitte l’Île-de-France pour le bout du bout de la Normandie, on a nommé : Cherbourg ! Dans un vieux corps de ferme, le groupe local a donné rendez-vous aux rebelles de Rouen et de Caen pour un week-end de rencontres, d’action et de formation. 

ALTER TOUR 

L’Alter Tour, groupe de vacancier⋅ères qui sillonne la France à vélo en quête d’alternatives, arrive en ville. Une vélorution est organisée en cet honneur. De la musique, des couleurs, de slogans et des sonnettes : on occupe l’espace public pour le soustraire aux voitures ! 

Une vélorution est une révolution à vélo : le temps de la manifestation, les bicyclettes sont reines. Libérez les cyclistes enfermé⋅es dans leurs voitures !

T’ES RIEN sans terre

Après la déambulation cycliste, les cherbourgeois⋅es ont prévu d’autres joyeusetés tout aussi efficaces pour se réapproprier la ville. On commence par végétaliser les espaces vides à grand recours de plants de courge et d’aromatiques. Utiles, beaux et désobéissants, ces bacs de terre feront germer les graines de possibles d’un monde plus sain. 

TITANICONS LE CAPITALISME…

Les festivités se clôturent à la tombée de la nuit avec une séance d’affichage. Les messages, créés sur mesure pour interpeller les habitant⋅es, et le drapeau XR que porte désormais Napoléon sont la touche finale au nouveau visage rebelle de Cherbourg. 

…QUI NOUS VOLE NOTRE TEMPS

Fatigué⋅e⋅s mais ravi⋅e⋅s de notre journée d’action, on consacre le dimanche à des questions plus internes : atelier de communication non-violente, écologie décoloniale, incarnation de la culture régénératrice dans l’organisation de nos groupes, etc… Des échanges prometteurs mais souvent trop brefs, écourtés par les au revoir - encore une coup de notre rapport au temps façonné par le capitalisme. Soit dit en passant, ça l’arrange bien, le capitalisme, qu’on ait jamais le temps d’aller au fond de nos discussions révolutionnaires.

ON BRAQUE LA PLAQUE

De ce week-end, on embarque la plus belle plaque Extinction Rebellion jamais créée (humblement, hein). En attendant d’arriver à Vannes, elle ornera la caravane où elle semble être avoir trouvé sa place rêvée. Peuple de Vannes, si vous recevez une fade contrefaçon sur une feuille A4, on vous prie d’être compréhensif⋅ves de ses choix. 

Escale 5 - ouvrez les Vannes, que coule le cidre

7-8 août

Une fois en terre bretonne, on retrouve un autre ferme, bien habitée cette fois-ci : celle du Vincin.

LE MAOUT QUI DOUTE 

La rebelle responsable du lieu en cette période de vacances nous présente les lapins, les poules, et surtout les nombreux maout (ou moutons pour les francophones). L’éternel débat sur le véganisme et l’élevage à petite échelle revient sur la table, cette fois à travers des dilemmes très concrets qui font avancer les positions de chacun⋅e : Nos légumes poussent-ils grâce aux engrais d’origine animale ? Quels modes de supplémentation en vitamine B12, nécessaire pour les végétaliens ? Et la traction animale sur une ferme post-pétrole ?

DGRRR

Les ateliers sont ouverts au public, ce qui diversifie les points de vue et rend les discussions d’autant plus riches. Deux militant⋅es de Deep Green Resistance se sont joint⋅es à nous : l’occasion de discuter de nos stratégies; et de constater les similitudes de nos parcours.

VIVE LA BRETAGNE, VIVE LES BRETON⋅NES

En discutant avec les vannais⋅es, on mesure l’importance, insoupçonnée par les savoyard⋅es que nous sommes, de la culture bretonne. Il est socialement admis que les danses traditionnelles, c’est cool. Les jeunes se mettent au breton de façon sérieuse. What the f*ck ? Avoir une culture aussi vivante (et qui a priori n’a pas été volée aux peuples colonisés), ça change les perspectives sur l’ancrage dans un territoire.

Aussi, il pleut. Jamais longtemps, mais c’est une constante, un peu comme le cidre.

SUPER MAOUT

Les breton⋅nes délèguent Super Maout, leur mascotte, pour porter un vent de rebellion jusqu’à Nantes. La caravane fait ses adieux, et puisqu’on est dans les environs, on passe par l’éco-lieu Demain En Main pour un aperçu de leur vie collective - l’endroit a une classe monumentale. L’équipage marque maintenant un arrêt d’une semaine pour des vacances autour de la communication non-violente avant de reprendre la route. D’ici-là, on vous souhaite de belles aventures !

Nous trouver :

Pour suivre l’itinéraire de la caravane : Carte OpenStreetMap

Instagram : @xr_caravaneduturfu

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