On peut penser à la permaculture comme un système développé notamment (mais pas seulement) par Bill Mollison et David Holmgren. Ce système propose des règles de base pour un conception (design) relevant de l’écologie appliquée.
En permaculture, on utilise une approche systémique et des principes de conception permettant d’organiser l’espace pour mettre en place une culture permanente.
Les principes de la conception permaculturelle ne peuvent se substituer aux savoir- faire techniques et à l’expérience pratique. Ils constituent un cadre à adapter à chaque lieu, chaque situation. Ils sont un outil afin de subvenir à nos besoins tout en respectant et prenant soin de l’environnement qui nous entoure et peut-être même permet d’expérimenter ce que signifie réunifier nature et culture.
L’approche systémique de la permaculture est en rupture avec l’idéologie dominante actuelle, y compris en science, qui est davantage analytique et réductionniste (qui décompose le système en parties étudiées indépendamment de leurs interactions). La compréhension de la conception permaculturelle fait ainsi partie d’une révolution culturelle plus large : celle de la pensée complexe comme outil d’émancipation.
Holmgren a énoncé 12 principes de la conception en permaculture. Ils sont ici repris, complétés quelque peu et illustré d’exemples quand c’est possible.
1.Observer et interagir
« procéder à une observation vigilante prolongée plutôt que d’intervenir de manière irréfléchie ». Cela suppose de ré-apprendre à regarder ce qui nous entoure et non plus regarder la nature comme un miroir de nos propres pensées mais pour elle-même et tout ce qui la compose (Quels sont les oiseaux présents ? À quelle saison ? À quel moment de la journée ? Quelles variétés d’insectes ? Etc…)
2. Collecter et stocker l’énergie
Le faire d’abord au niveau local, avec ce qu’on a à disposition. Les sources d’énergie incluent : le soleil, le vent et les eaux de ruissellement mais aussi les déchets de la production agricoles, commerciale, industrielle. Les modes de stockages sont : les sols fertiles riches en matière organique, les systèmes de végétation pérenne, les plans d’eau et citernes, les bâtiments solaires passifs.
3. Créer une production
Utiliser l’énergie collectée et stockée pour mettre en place et entretenir une production assurant une autonomie à tous les niveaux (y compris personnel) et permettant à terme de stocker encore plus d’énergie, c’est un exemple de rétroaction positive.
4. Appliquer l’auto-régulation et accepter es rétroactions
On cherche à maximiser l’autonomie et l’efficacité énergétique de chaque partie du système. Par exemple en utilisant des variétés rustiques de plantes plutôt que celles sur-sélectionnées de l’agriculture classique. L’auto-régulation désigne une régulation interne au système, qui nécessite ainsi moins d’interventions externes (traitements contre les maladies, arrosage, etc…).
5. Utiliser et valoriser les ressources et les services renouvelables
Les ressources renouvelables sont celles pouvant être renouvelées en des périodes de temps raisonnables (en prenant comme échelle de référence la durée de vie humaine).
6. Ne pas produire de déchets (Recycler)
Le ver de terre est l’illustration de ce principe : il consomme les déchets végétaux et les convertis en humus, enrichissant ainsi le sol et améliorant l’environnement pour lui mais aussi pour les autre micro-organismes du sol et pour les plantes. Comme tous les être vivants, il fait partie d’un réseau où les productions des un·e·s sont les matières premières des autres. « Dans les systèmes naturels, l’abondance ne dépend pas de la quantité de ce qui entre dans le système mais du nombre de fois où ce qui entre est utilisé avant de se perdre » (Starhawk)
7. Partir des structures d’ensemble pour arriver au détail
En appliquant le premier principe, on peut repérer des similarités de formes, des motifs dans la nature mais aussi l’organisation des sociétés pouvant inspirer la conception à d’autres échelles. La toile d’araignée en est un symbole, évoquant la planification en zones et secteurs. Le but est de concevoir un système avec un schéma d’ensemble approprié.
En permaculture, on conçoit des zones autour du centre d’activité selon leur intensité d’utilisation. On part d’un modèle général pour aboutir aux détails. Exemple : zone 0 = habitation et jardin médicinal / zone 1 = jardin potager / zone 2 = forêt comestible / zone 3 = terrain « sauvage », végétation pérenne. Pour l’organisation de chaque zone on prête aussi attention à la direction du soleil, des vents dominants, à la présence de zones inondables ou propices aux incendies.
8. Intégrer plutôt que séparer
Garder en tête que les connections entre les éléments peuvent être aussi importantes que les éléments eux-mêmes. Dans un système intégré, robuste et propice à l’auto-régulation, chaque élément rempli plusieurs fonctions (fonctions multiples empilées) et chaque fonction est assurée par plusieurs éléments. Les connexions ou relations entre les éléments d’un système sont diverses : compétition, prédation, mutualisme, symbiose. Tous peuvent être bénéfiques dans l’élaboration d’un système ou d’une communauté solidement intégrés.
9. Utiliser des solutions à petite échelle et avec patience
On conçoit le système de telle sorte que chaque fonction soit réalisable à la plus petite échelle tout en étant efficace énergétiquement. Par exemple, une société équitable et durable pourrait être pensée en prenant comme échelle les capacités de l’être humain. Nous appliquons ce principe en faisant quelque chose de façon autonome - cultiver notre nourriture, réparer des objets, apprendre à se soigner - mais aussi lorsque nous participons aux initiatives sociales et environnementales à l’échelle locale.
10. Utiliser et valoriser la diversité
La diversité est ce qui confère la robustesse d’un système, c’est-à-dire sa capacité à résister aux perturbations externes. Par exemple, une forêt composée de différentes espèces d’arbres résistera mieux à une épidémie qu’une plantation de sapins Douglas identiques génétiquement. La permaculture valorise la diversité des structures, vivantes ou construites, ainsi que la diversité au sein des espèces et populations, y compris dans les communautés humaines (diversité des langues et des cultures).
11. Utiliser les interfaces et valoriser les éléments en bordure
Dans les milieux naturels, les interfaces (zones de rencontre entre deux systèmes) sont souvent des lieux divers et créatifs. Pensons aux estuaires ou aux lisières de forêts. La partie vivante du sol, interface entre l’atmosphère et les couches profondes de la Terre constitue également une interface, une bordure, absolument nécessaire à la vie. Un sol profond, drainé et aéré, alimente une vie végétale féconde et robuste. Ce principe contribue à la reconnaissance et la préservation des interfaces mais également leur extension, qui peut augmenter la productivité et la stabilité d’un système.
12. Utiliser le changement et y réagir de manière créative
En permaculture, on peut concevoir en utilisant le changement de façon volontaire et coopérative. L’utilisation de la succession écologique dans les systèmes cultivés en est un exemple : on plante des arbres à croissance rapide fixateurs d’azote qui amendent le sol et protègent par leur ombrage les arbres fourragers à croissance lente dont on consommera les fruits.
Ce principe a une autre facette : l’adaptation créative aux changements de grandes échelles qu’on ne peut ni contrôler ni influencer. La permaculture concerne la durabilité des systèmes vivants naturels et de la culture humaine, mais paradoxalement cette durabilité dépend en grande partie de la flexibilité et du changement. On réalise que « stable » n’est pas l’équivalent de « statique ». La stabilité peut être perçue comme dynamique : un système stable est ouvert aux changements et capable de les intégrer.
Sources :
- L’essence de la permaculture (lire en ligne)
- Quel monde voulons nous ? Starhawk, 2002