
Ce Samedi 5 Avril 2025, une cinquantaine de militant-es d’Extinction Rebellion se sont réuni-es pour dénoncer la pollution aux PFAS lors d’une action théâtrale sur la place des Terreaux. Iels demandent la dépollution au frais des entreprises, la prise en charge des problèmes de santé des citoyen·ne·s et une étude épidémiologique locale liés aux PFAS pour comprendre l’impact de ces molécules sur le corps humain.
Les PFAS, qu’est-ce que c’est ?
Aujourd’hui, rares sont celleux qui n’ont pas entendu parler des PFAS, aussi appelés “perfluorés” ou “polluants éternels”. La première molécule est découverte accidentellement aux Etats-Unis en 1938 par un chercheur de la firme DuPont de Nemours, un des plus grands groupes industriels de chimie, alors qu’il tente de refroidir un gaz1.
Cette classe chimique comprend plusieurs milliers de molécules différentes (PFOAs, PFOs, PFDA, PFNA…), toutes composées d’une chaine d’atomes de carbone reliés à des atomes de fluor. C’est la présence de ces liaisons chimiques carbone – fluor qui rend ces molécules extrêmement résistantes2.

L’eau, la friction, le feu…rien ne les dissout! Elles résistent même à des températures dépassant les 260°C1.
Dix ans après la découverte de la première molécule perfluorée, un brevet est déposé par la firme Dupont, et ces molécules commencent à être utilisées à grande échelle dans la confection de dizaines de produits du quotidien, des poêles antiadhésives (Téflon) aux vêtements de pluie imperméables1.

Mensonges et toxicité
Très vite, l’industrie chimique sait que ces molécules sont toxiques. A partir des années 50, les ouvrier.es des usines DuPont font face à des épidémies de fièvre dues aux fumées de polymères libérées lors des processus de fabrication des composés chimiques3.
En 1959, un travailleur décède suite à l’inhalation répétée de Téflon (une des molécules de la classe chimique des PFAS), c’est le premier cas rendu public, mais sûrement pas le premier décès4. En 1961, des expériences menées sur des rats montrent que la taille de leurs foies augmente lorsqu’ils sont exposés quotidiennement à de faibles doses de PFAS4.
Dans les années 70, de nombreuses femmes travaillant sur la chaîne de production du Teflon voient leurs enfants naître avec des malformations. Pendant un an, elles sont toutes retirées de la chaîne de production sans explication, puis replacées un an plus tard5.
Des dizaines d’expériences sur des oiseaux et des mammifères menées au cours des années 80 et 90 révèlent l’impact nocif des PFAS sur l’ADN, la prostate, le foie, l’apparition de tumeurs4.
Les industriels démentent toutes les accusations, nient la toxicité des PFAS sur les corps humains, et continuent de créer et d’associer de plus en plus de molécules perfluorées, créant des cocktails chimiques dont les effets sont difficilement prévisibles. Le profit passe avant tout, la machine capitaliste est en place, et l’empoisonnement continue, inarrêtable, dans les corps, les sols, les rivières, l’air.
Enfin, en 2001, la première affaire judiciaire éclate. Alerté par un agriculteur, Wilbur Tennant, dont les vaches meurent les unes après les autres dans sa ferme située à proximité d’un lieu de décharge d’une usine DuPont, un avocat de l’Ohio, Robert Bilott, dépose un recours collectif contre le groupe. Pendant seize ans, Bilott lutte contre ce géant de la chimie pour démontrer sa culpabilité et dénoncer ses tentatives délibérées de dissimuler la toxicité des PFAS6.
En 2017, il remporte un accord pour les 3 500 plaignants de la région, qui font parti des 70 000 citoyen·ne·s qui buvaient depuis des dizaines d’années une eau contaminée au PFAS6.
Cette fois-ci, le doute n’est plus permis, DuPont savait que les molécules étaient toxiques, Dupont savait qu’il était en train d’empoisonner les sols, l’eau et la vie. Ceux qui affirmaient que les PFAS “sont aussi toxiques que du sel fin” ne peuvent plus mentir4.
Les PFAS aujourd’hui en France et en Europe
En 2022, Vert de Rage, une émission qui enquête sur les scandales environnementaux révèle la pollution aux PFAS catastrophique autour des usines Arkema et Daikin à Pierre-Bénite, dans le Sud de Lyon. Très vite, les mobilisations citoyennes s’emparent du sujet: recours en justice des riverain-es avec l’association Notre Affaire à Tous, intrusion sur le site industriel par Extinction Rebellion en 2022, actions de sensibilisations diverses et variées par Greenpeace, AJC, et l’Alliance Écologique et Sociale (anciennement Plus Jamais Ça)…
Malgré ces mobilisations, la réponse de l’État est, au mieux, inconsciente, au pire, dangereuse : la préfecture impose à Arkema d’arrêter l’utilisation du PFAS 6:2 FTS dans ses procédés de production fin 2024… comme l’avait déjà annoncé l’entreprise quelques mois plus tôt! En parallèle, des demandes d’extensions des usines Daikin et Arkema sont acceptées par la préfecture. La DREAL (autorité environnementale) est contrainte d’aller faire quelques relevés dans la zone de pollution, après avoir été dénoncée et prises pour cible par des actions militantes, mais sans grands résultats. L’État et la préfecture décident d’ignorer le problème et de nier les dangers auxquels sont confronter les habitant.es et les travailleur·euse·s. En 2024, les législateur·trice·s s’emparent enfin du sujet. Nicolas Thierry, député écologiste, porte un projet de loi ambitieux qui repose sur quatre articles7 :
- Interdire à compter du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de produits cosmétique, de fart, textile ou chaussure contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
- Réaliser le contrôle et la réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles, de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans
- Publier un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales dans un délai d’un an
- L’application d’une redevance pour les entreprises dont les activités entraînent des rejets de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (100 euros par cent grammes) Au niveau européen, un projet similaire, le projet REACH4, est examiné par la commission européenne. Les PFAS sont pour l’instant règlementés individuellement, molécule par molécule, pour le plus grand bonheur des industriels. Une molécule est jugée cancérogène et est interdite ? Un atome de carbone en moins, et c’est reparti ! Les industriels jouent à cache cache avec les régulateur·trice·s, et les États n’ont pas l’air pressés d’intervenir. Début 2025, une cinquantaine de journalistes d’investigations de 16 pays européens différents publient ensemble leurs enquêtes : coût de la dépollution, méthodes du lobby de la chimie, documents confidentiels des industriels prouvant qu’iels agissaient en connaissance de cause… Le constat est accablant, les PFAS sont PARTOUT et tout le monde est contaminé.e. Malgré cela, leur régulation au niveau européen est toujours inscrite par sous-groupes (PFCAs, PFOA, PFHxA…), ce qui continue d’offrir des échappatoires aux industries polluantes.
Pourquoi ça n’avance pas plus vite ? Des lobbies meurtriers
Mais si on sait tout ça, pourquoi ça n’avance pas plus vite ?
Surprise…les lobbies sont partout !
Ces projets de loi, qui visent à règlementer les PFAS non pas individuellement mais bien comme une famille chimique, leur déplaisent évidemment, car ils ralentiraient la production et impacterait négativement les industries. Début 2025, le Forever Lobbying Project8 met un coup de projecteur sur les actions des lobbies de la chimie, et le constat est effrayant. Mails, menaces, pression sur les employés et les député·e·s européen·ne·s, tout est permis pour empêcher l’interdiction de leur poisons9.
Depuis des années, les industriels ont mis en place une vaste campagne de désinformation, utilisant des éléments de langage clés destinés à convaincre le grand public et les élu.es qu’il n’existe pas de solutions, que les PFAS sont sans dangers et que l’économie prime avant tout. En France en 2025, le groupe Seb (la fameuse marque Tefal) est pris en flagrant délit de lobbying auprès d’un élu RN Frédéric-Pierre Vos, qui s’abstiendra quelques jours plus tard lors du vote de la loi proposée par Nicolas Thierry10.
Les poêles ont encore un bel avenir devant elles, et la grande famille des PFAS aussi si nous ne mettons pas un terme à ces magouilles politiques mortifères.
Quelle est la situation à Lyon aujourd’hui ?
Aujourd’hui, ARKEMA et DAKIN continuent à produire des PFAS et à polluer l’eau du Rhône, malgré les actions de militant·e·s et d’habitant·e·s concerné·e·s.
Face à l’inaction de l’État, les collectifs PFAS contre Terre et Notre Affaire à Tous ont lancé une action en justice collective au côté du cabinet Kaizen avocat. Leur objectif ? Obtenir réparation pour les dommages causés par ARKEMA et DAIKIN : terre polluée, eau polluée, sang contaminé, lait maternelle contaminé, maladies chroniques, cancers. Tout.e habitant.e concerné.e peut se joindre à la plainte11.
Les habitant.es ont également entrepris de se pencher sur l’importance d’une étude épistémologique des maladies, et sur un réel recensement des cas dans la région.
Nos Revendications
Face à ce scandale sanitaire qui dure depuis des dizaines d’année, face aux mensonges des industriels, face à l’inaction l’État complice, Extinction Rebellion Lyon réclame :
• Une prise en charge des problèmes de santé des citoyen.nes et une étude épidémiologique locale liés aux PFAS. Encore aujourd’hui, il n’est toujours pas possible de déterminer avec précision la relation “dose PFAS” - “réponses du corps”, et plus globalement, l’impact des PFAS sur la santé.
• La dépollution des zones contaminé-es aux frais des entreprises : le sol, les cours d’eau, les nappes phréatiques, les parcs, les jardins…
• Une application réelle du principe de précaution, c’est à dire qu’en l’absence de connaissances précises sur les PFAS et leurs impacts sur la vie, il convient de prendre des mesures de gestion des risques afin de prévenir des dommages graves.
• Un élargissement de la liste des maladies reconnues comme professionnelles pour les travailleur·euse·s au contact de PFAS, et plus de recherches dans ce domaine.
C’est un enjeu de santé publique !
