REVUE DE PRESSE D'OCTOBRE DES RABA JOIE

INTRO

[A lire façon docu-thriller sur BFM 🕵️]

Depuis quelques mois, un petit groupe de rebelles se prépare à lancer une campagne de grande ampleur, nom de code : les RABA Joie. Pour se tenir informé.es des actualités de leurs cibles, iels se livrent à une veille médiatique implacable. Voici, mois par mois, le résultat de leurs investigations.

OCTOBRE 2022

En l’air 🛩️

• Jets et foot ⚽

La polémique du PSG fait encore parler d’elle, avec une enquête dans 8 clubs allemands montrant que leurs déplacements se font majoritairement en bus ou en train, voire sur des vols commerciaux qui sont certes plus polluants que des déplacements terrestres, mais émettent tout de même 5 à 14 fois moins de carbone qu’un jet privé.

Côté foot toujours, l’Equipe raille Lionel Messi sous les traits de Phileas Fogg : “le tour du monde en 90 jours” ou comment émettre en un été autant de CO2 qu’un Français moyen en 150 ans.

En élargissant à d’autres disciplines, le Républicain Lorrain montre qu’au delà du foot et de ses stars ultra-médiatisées, les émissions du secteur sportif sont aujourd’hui encore un problème, avec une utilisation majoritaire (65%) des moyens de transport aériens pour les déplacements des équipes. L’article rappelle cependant que la Ligue de Football Professionel avait estimé à 87% la part des émissions causées par les déplacements des supporters.

• Que devient Bernard 🧐 ?

Le bilan de septembre est publié pour les 5 avions suivis par @i_fly_bernard (… sans la star du compte, hélas 😢) : 48,4 heures cumulées de vols (le plus court de 30 minutes !) pour 203 tonnes de CO2 émis.

Antoine Arnault, interrogé sur RTL, déclare que “Bernard n’a jamais eu d’avion, c’est l’avion du groupe, utilisé par les grands dirigeants du groupe [pour] optimiser leur temps” (8’25), et remet en question “l’impact” de cette utilisation, jugé “infinitésimal”. Il déplore par ailleurs le manque de “confidentialité” que ce suivi a entraîné et annonce que le fameux “avion de Bernard” a été vendu, information confirmée le lendemain sur Radio Classique et largement relayée, comme ici ou là. Les dirigeants susdits prendront dorénavant… le train des jets de location.

Pour autant, l’auteur du compte twitter aux 68.000 abonnés s’en réjouit, dans une interview à Reporterre. Sans aller jusqu’à croire à une prise de conscience, il souligne que l’opinion publique ne cautionne dorénavant plus de tels comportements, obligeant les hommes d’affaires à se cacher : symbole de temps qui changent ?

• Professionnels du secteur

Les aéroports de la Côte d’Azur s’inquiètent des conséquences économiques d’une éventuelle interdiction des jets privés, pour des retombées estimées en 2019 à 82.490 emplois et 4,4 milliards d’euros de PIB. A Nice, on réfléchit sérieusement (si, si) à compenser l’empreinte carbone des touristes : tout n’est pas dévoilé, mais les pistes évoquées vont vers la consommation de “produits plus écoresponsables” ou “la mobilité douce” sur place.

Sur la côte Atlantique, l’aéroport de Biarritz, avec 2/3 du trafic pour l’aviation privée et d’affaires (2000 vols en jet par an), prévoit encore de se développer jusqu’en 2024, alors que “[Les Landais] ont une idéologie qui n’est plus la même” depuis les dernières élections, “ils sont plus tournés vers la LGV”.

Une aide inattendue de la part des employés de Dassault Falcon Service : une grève des agents de maintenance cloue au sol des jets privés au Bourget et à Toulouse pendant une semaine. En jeu, des revendications salariales. Il semblerait que le monde ait continué de tourner malgré quelques jets en moins…

Au Bourget toujours, avec ses 180000 passagers par an, le directeur annonce pouvoir dorénavant approvisionner les jets en biocarburant “issu de la biomasse”. On précise qu’en dehors des problématiques inhérentes à l’utilisation même de ces biocarburants (cf notre focus plus bas), la réduction d’émissions de CO2 n’est actuellement que de 27% pour un plein incluant 30% de carburant vert, maximum actuellement possible : pas vraiment de quoi régler le problème.

• On n’arrête plus Elon Musk 🚀

En dehors des déplacements de son jet toujours aussi irrationnels, le milliardaire américain annonce déployer le haut débit pour le secteur aérien via son réseau Starlink. Moyennant 150.000 dollars d’installation et 12.500 à 25.000 $ par mois de frais de connection, les heureux bénéficiaires pourront surfer jusqu’à 350 Mbit/s en plein vol.

• Dans la catégorie WTF 🤡

Andrea Bocelli intente un procès à une compagnie de jets privés qui lui avait attribué un jet trop bruyant, source d’anxiété pour le chanteur.

• Pour aller plus loin 🤓

Un petit quizz amusant du Monde pour savoir si vous connaissez bien les bilans carbone respectifs d’une heure en jet et d’une année d’utilisation d’un sèche linge.

Qui sont les propriétaires de jets en France ? Un nouveau dossier du Monde, qui a recoupé les infos d’immatriculation des quelque 300 jets recensés. Outre les hommes d’affaires et les sociétés de location, les sportifs représentent aussi une part de marché non négligeable. Résumé ici sur France Info, l’article complet (abonnés) est accessible ici.

Enfin, on vous laisse méditer un fabuleux article hors sol (lol) de contrepoints qui démontre par A+B que les riches sont nécessaires et qu’iels ont bien le droit de choisir leurs moyens de déplacement. Attention, ne pas lire sans un minimum de préparation mentale…

Sur l’eau 🛥️

• Le show de la démesure

Au Monaco Yacht Show qui s’est tenu du 28 septembre au 1er octobre, les industriels se sont réjouis d’une année 2021 historique : «Les ventes de superyachts neufs de 30 à 40 mètres ont doublé et de ceux de 60 à 80 mètres ont quasi triplé.»

Amarrés dans le port de plaisance de Monaco, on pouvait admirer 118 bateaux dont le plus grand mesure 115m de long, pour une valeur combinée de 3,8 milliards de dollars.

Au milieu des quelque 450 acteurs de la filière, il ne fallait pas manquer le «Sustainability Hub». Au programme, bateau à hydrogène, à biocarburant, et produits nettoyants (et bientôt de body care !) dûment estampillés « verts ». De quoi continuer à profiter tranquillement de son méga-yacht, mais en fleurant bon le greenwashing. Car “il faut relever le défi dès aujourd’hui”… mais avec seulement 5% des bateaux en construction qualifiés d’“innovants”. Le défi du cynisme ?

• Revoici Bernard (coucou !) 👋

Le jet de Bernard Arnault a disparu des radars, mais son yacht est toujours là, et le collectif Yacht.co2.tracker a joué au chat et à la souris (son système de localisation était malencontreusement cassé 🫢) pour établir son bilan carbone. On n’est pas déçu du voyage, avec pas moins de 1250 tonnes émises sur un mois : on vous laisse découvrir les comparaisons dans l’article.

• Pour celleux à qui ça manquait

A Antibes, le quai des milliardaires, interdit au public depuis 2017, sera de nouveau visible depuis les remparts au printemps prochain. De là à appeler à une action, il n’y a qu’un pas… que nous ne franchirons pas.

Politique

• Régulation ? ❌

Un premier vote à l’assemblée sur la question de la régulation des jets privés et méga-yachts montre, outre la position plus que partagée de LREM, que l’extrême droite n’est décidément pas du côté de la justice sociale. Et dénonce une chasse aux riches : ça tombe bien, c’est de saison.

• Taxation ? 💵

La majorité se saisit du sujet, en déposant le 7/10 une proposition d’amendement au budget sur la taxation du kérosène de l’aviation privée, soutenue par Clément Beaune (ministre des Transports) qui parle de “rééquilibrage”. Cette proposition relèverait pour son auteur d’une “écologie pragmatique”, par opposition à “l’écologie de façade” qui consistait à demander l’interdiction des jets privés.

Le ministre de l’économie Bruno Le Maire interviewé le 17/10 sur le projet de budget 2023, confirme que cet amendement a été retenu, corroborant les propos de Christophe Béchu (ministre de la Transition écologique) sur france info qui annonçait d’ores et déjà une mise en application de cette taxe dès 2023. Une décision officialisée lors de l’adoption définitive selon l’article 49-3 du budget le 20/10.

Une proposition de taxation supplémentaire, visant les super-yachts (plus de 40 mètres), n’a quant à elle pas été retenue : selon les calculs de @YachtCO2tracker, cela pourrait représenter 4,3M€ par an rien que sur la ZEE (zone économique exclusive) méditerranéenne de la France. On ne vous cache pas que pour 100 000 tonnes de CO2 annuelles, on est quand même prêt à y renoncer.

Plus d’articles sur le sujet :
Avant le vote : Capital, Le Parisien, BFMTV, Huffington Post, L’Opinion

Après le vote : Canal +, BFMTV

• Convictions ? 🤨

Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, ne soutient pas cette mesure en estimant que “l’écologie ne passe pas forcément par une taxe supplémentaire”.

Gabriel Attal, lui, appelle plutôt à imposer aux jets de voler au biocarburant. Greenwashing ou fausse bonne idée ? On vous laisse décider, à la lecture de cette synthèse.

Elisabeth Borne prend quant à elle une position courageuse (ou pas) en demandant “de l’exemplarité de la part de propriétaires de jets privés”.

Un discours en quête de cohérence, comme le souligne Le Figaro qui reprend l’ensemble des propositions et amendements déposés depuis début septembre.

Actions et initiatives ✊

ATTAC continue sa lutte contre les criminels climatiques : désaffichage à Angers, action autour d’un aéroport en Vendée, et se réjouit du vote du budget supprimant la niche fiscale du kérosène des jets privés, en même temps que de l’annonce du retrait de la France du Traité sur la charte de l’énergie (TCE).

A Lille, plusieurs collectifs se sont mobilisés le 8/10 contre l’extension de l’aéroport et ses 3,9 millions de passagers annuels attendus à l’horizon 2039.

Le week-end suivant, c’est à Nantes que des militants ont également perturbé le fonctionnement de l’aéroport en organisant une conférence sauvage sur le “mythe de l’avion vert” (article abonnés).

Au Royaume-Uni, le mouvement End UK Private Jets fait de nouveau parler de lui : une militante verse des excréments sur un mémorial pour signifier que “chaque fois qu’un jet privé décolle, il verse un seau de merde et de sang sur tout ce pour quoi s’est battu “Captain Tom” “.

Aux Pays-Bas, où les vols en jet privé ont dépassé leur niveau d’avant la pandémie de Covid-19 : (plus de 16000 vols depuis début 2022 soit autant que sur la totalité de 2019, dont 1 sur 3 pour des trajets de moins de 500 km), l’ONG Greenpeace demande leur interdiction pure et simple.

Le 31/10, une nouvelle tentative d’occupation d’un terminal au Bourget par une centaine de militant.es XR et ATTAC est arrêtée par un dispositif policier conséquent, se soldant par une garde à vue de 33 heures pour 27 d’entre elleux.

D’autres articles sur cette action ci dessous 🔽

• France Info : Aéroport du Bourget : près d’une trentaine d’interpellations après une tentative d’intrusion
• Le Parisien : Le Bourget : plus d’une centaine de militants écologistes tentent d’envahir l’aéroport
• Actu.fr : Une centaine de militants écologistes tente de bloquer des jets privés à l’aéroport du Bourget
• 20 minutes : Des militants d’Attac et XR en garde à vue après une tentative d’action contre les jets privés
• Le Parisien : Le Bourget : après leur action coup de poing à l’aéroport, les militants écologistes relâchés
• France 3 : Action d’Attac et XR au Bourget : levée de garde à vue pour 33 militants
• France Info : Tentative d’intrusion à l’aéroport du Bourget : les gardes à vue des activistes d’Attac et d’Extinction Rébellion ont été levées

Et pour finir…

Face à cette présence militante croissante, les médias de masse font pour certains la preuve d’une incompréhension (dont nous ne doutons pas qu’elle est involontaire) du message, mettant en avant les “attaques contre les riches” sans aborder la question de l’indécence des émissions d’un jet, un yacht ou même un SUV : exemples avec cet article sur Europe 1, ou celui-ci dans l’Opinion, estimant que les activistes jouent “contre leur camp”. Des médias respectivement, pour le premier, détenu de façon majoritaire par un certain Vincent B., et pour le second, dans lequel un certain Bernard A. serait deuxième actionnaire.

Sur ce dernier point, on vous laisse méditer 💭. Rendez-vous fin novembre pour la prochaine édition 🗞️ !

Avec amour 💚 et rage 🔥

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Ca vous a plu ? Vous en voulez encore ?? Go voir les revues de presse des mois précédents🤩 !