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Ce n’est pas ce qui compte d’arriver seul et vite, mais d’arriver avec tout le monde et à temps.

Léon Felipe, poète espagnol

Extinction Rebellion exige la mise en place d’une assemblée citoyenne tirée au sort dans le but de répondre efficacement à l’urgence écologique dans une logique de justice sociale et climatique. Point de départ du monde d’après, elle en préfigure également la nature :

l'avenir sera démocratique

ou ne sera pas

+ La quatrième revendication d'Extinction rébellion

Version courte : La création d’une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d’une transition juste et équitable.

Version longue de notre 4ème revendication : Les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années, aveuglés par une logique de croissance et de court terme, ont montré leur incapacité à s’occuper sérieusement de ces questions. Nous voulons donc que le pouvoir soit rendu aux citoyen‧nes. Aux niveaux local et régional, une démocratie plus vigoureuse et inclusive doit être mise en place. Au niveau national, nous demandons la création d’une assemblée citoyenne souveraine et adaptée à ce changement de société. Celle-ci sera garante du partage équitable de l’effort à accomplir et de la solidarité avec les personnes les plus vulnérables.

Face à l’extinction du vivant, l’obstacle est politique

De l’inaction politique à l’action écocidaire

L’incapacité de nos gouvernements successifs à répondre à la catastrophe écologique est un constat indéniable que le quinquennat actuel ne cesse de valider, quitte à contredire les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. D’après le Haut Conseil pour le Climat, le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre est deux fois trop lent pour respecter les objectifs des Accords de Paris et rester sur une trajectoire d’augmentation des températures en dessous des 1,5°C en 2030 ( Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat 2019 « Agir en cohérence avec nos ambitions » (Source)) . Et quand les efforts manquent, l’inaction guette : seulement 3 % des articles de lois sont soumis à une évaluation de leur impact climatique ( Rapport du Haut Conseil pour le Climat de décembre 2019 « Évaluer les lois en cohérence avec nos ambitions » (Source)) .

Cette incapacité se renforce au gré des incertitudes que fait peser notre impact écologique sur la prise de décision

Les changements climatiques bouleversent nos écosystèmes, provoquant des réactions en chaîne qui déstabilisent nos systèmes économiques, nos solidarités collectives et la vie de millions d’individu‧es. Cette société du risque permanent, que nous éprouvons aujourd’hui dans notre chair, limite la capacité de nos dirigeant‧es à agir en totale connaissance de cause, en témoigne leur imprévoyance quant à la dernière crise sanitaire liée au COVID-19 et l’absurdité criminelle de sa gestion étatique. Cette situation dit cependant autre chose : un‧e citoyen‧ne « lambda » n’aurait très certainement pas fait pire, loin de là.

Mais ce n’est pas tout ! Alors même que « notre maison brûle », les projets écocidaires se multiplient

Entre la signature en sous-main d’accords de libre-échange pour doper la croissance, le soutien actif à de grands projets inutiles et destructeurs ( La carte des luttes contre les grands projets inutiles (Reporterre, 6 mars 2020) (Source)) , la privatisation d’activités stratégiques pour la transition énergétique, ou bien le financement sans contreparties de grandes entreprises pollueuses. Tout ou presque semble être fait pour accélérer la destruction en cours. Ainsi, si l’incertitude climatique rend de plus en plus aveugle la prise de décisions politiques ( Lascoumes P., Barthe Y., Callon M., Agir dans un monde incertain, Essai sur la démocratie technique, Seuil, 2001 (Source)) , ces dernières n’en sont pas moins guidées par un système économique capitaliste dont la logique repose sur une exploitation acharnée de la biosphère jusqu’à son annihilation.

+ Pour en savoir plus sur l'urgence bioclimatique

L’effondrement politique qui vient ( Bertho A., L’effondrement a commencé. Il est politique, Terrestres, 22 novembre 2019 (Source))

Pourquoi donc, ne pas faire entrer les citoyen‧nes dans la bataille, puisqu’ils‧elles sont les premier‧ères concerné‧es ?

C’est bien parce que le gouvernement représentatif, que l’on ne cesse de parer d’étranges vertus démocratiques, a été pensé dès ses débuts dans une véritable défiance envers le peuple ( Dupuis Déri F., Démocratie : histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France, Éditions Lux, 2019 ) . Ce dernier, jugé incapable de gouverner, ne peut que s’exprimer par la voix de celles et ceux qu’il a élu‧es, des élites dont le mérite se confond souvent avec les privilèges sociaux dont ils‧elles ont hérité. Cependant, la défiance est aujourd’hui réciproque. Jamais la classe politique n’avait été à ce point délégitimée : les élections législatives de 2017 ont connu un taux d’abstention record sous la Ve République (57 %), tandis que seulement 20% des Français‧es disent faire confiance au gouvernement et à l’Assemblée Nationale en tant qu’institutions ( CEVIPOF, « Baromètre de la confiance politique », 2019 (Source)) .

Cet effondrement de la légitimité des représentant‧es élu‧es est le fruit de décennies de conflits d’intérêts, d’affaires de corruption en tous genres, de cumuls de mandats, d’un dévoiement, en somme, de la fonction d’élu‧e… mais pas seulement. Elle fait également suite à un long processus d’autonomisation du pouvoir des marchés à l’égard du pouvoir politique, qui rend ce dernier impuissant à lutter contre les inégalités sociales et la crise écologique. La classe politique, face à l’essor des contestations, joue alors sa survie en prenant une tournure autoritaire : criminalisation des mouvements sociaux, violences policières, surveillance de masse, restriction de la liberté d’informer, inscription de l’état d’urgence dans le droit commun, passage en force des lois au Parlement, etc. Les rapports de domination se renforcent et sont « surjoués » dès que la crise prend une ampleur inattendue, (comme celle du COVID-19 ( « La démocratie à l’épreuve du coronavirus », Samuel Hayat, Chercheurs en Politiques, CERAPS (CNRS) (Source)) ), transformant l’État de droit en véritable droit de l’État.

Et quand la marche du monde se fait à coups de 49.3 et de LBD 40, le bruit des bottes ne résonne jamais très loin. Partout en Europe, l’extrême droite progresse sur la peur du déclassement social et le rejet des autres, banalisée par les médias et la classe politique « traditionnelle ». Que ce soit dans les urnes ou par le terrorisme ( « Islamophobie. La responsabilité des pousse-au-crime dans l’attentat de Bayonne » (l’Humanité, 30 octobre 2019) (Source)) , cette dynamique laisse entrevoir la « possibilité du fascisme » ( Palheta U., La possibilité du fascisme – France, la trajectoire du désastre, La Découverte, 2018 ) à l’heure même où les théories de l’effondrement font des émules parmi les survivalistes d’extrême droite. Bref, ce qu’il reste de démocratique en ce pays est de plus en plus menacé.

Mais alors même que l’horizon semble obstrué, nous pensons à Extinction Rebellion qu’il est justement trop tard pour être pessimiste et que notre résilience politique doit se décider dès maintenant !

Plus que jamais, c’est d’un nouveau souffle citoyen dont nous avons besoin pour faire face à l’extinction du vivant.

Assemblée populaire lors de l'occupation du centre commercial Italie 2 (5 octobre 2019, Paris)

Les assemblées citoyennes, des « utopies réelles »

Le tirage au sort ou la démocratie retrouvée

« Essayez la dictature et vous verrez » (  Essayez la dictature et vous verrez ! » : Emmanuel Macron dénonce les discours affirmant que la France n’est plus une démocratie, France TV Info, 24 janvier 2020 (Source)) , nous assène-t-on comme s’il n’y avait plus d’échappatoire et que le débat démocratique ne pouvait qu’être enfermé dans la logique du pire. Nous postulons, bien au contraire, que l’alternative au système politique actuel est non seulement possible, mais également déjà réalisée ! Partout dans le monde, de l’Inde au Canada, à l’échelle de régions ou de pays tout entier, ont fleuri plus de 700 dispositifs ( Rapport de l’OCDE à paraître : « Catching the Deliberative Wave: Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions » (juin 2020) ) qui réinventent notre rapport à la politique, loin de ses professionnelles, de ses expertes auto-proclamées, de ses groupes d’intérêts et de ses faiseureuses d’opinion. Ces dispositifs, appelés* « assemblées citoyennes »* relèvent de quelques principes simples :

Tirage au sort, Délibération, Application

Des citoyen·nes sont tiré·es au sort pour constituer un échantillon représentatif d’une population donnée, en termes de genre, d’âge, de niveau de diplôme, de territoire d’habitation (urbain, rural), de région administrative, etc. Formé‧es à l’écoute et à la critique, et soulagé‧es de tout obstacle à leur participation (hébergement, travail, obligations familiales, etc.), ces citoyen‧nes vont devoir se prononcer sur une question de départ qui va leur être posée. Pour ce faire, ils et elles vont pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des avis contradictoires des expert‧es du sujet (scientifiques ou autres), délibérer en petits groupes et en assemblée plénière pendant plusieurs mois et produire un avis ou une série de mesures qui devront être appliquées par les pouvoirs en place.

Mobilisation de soutien aux citoyen‧nes de la Convention Citoyenne pour le Climat, exemple d'Assemblée Citoyenne en France (8 février 2020, Paris)
Les assemblées citoyennes réinstituent ainsi par le tirage au sort des principes démocratiques contre lesquels le système électif a été construit depuis plus de 200 ans ( Manin B., Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 2019 (3e édition) )
en donnant à chacun‧e une égale probabilité d’être sélectionné‧e, elles reconnaissent l’égale compétence de chaque citoyen‧ne à prendre une décision éclairée ; en annulant la compétition pour le pouvoir, elles produisent des décisions impartiales et déconnectées des enjeux électoraux ; en représentant l’ensemble des classes sociales (revenus, âge, diplômes, genre, etc.), elles redonnent à la représentation politique un sens tout nouveau, soit l’expression d’une diversité d’expériences sociales au sein des sphères de pouvoir.

Ces dispositifs se distinguent également par la nature et la transparence des délibérations qui y ont lieu, et donc des décisions y seront prises : ils valorisent l’échange d’arguments rationnels dans un cadre qui permet à chaque citoyen‧ne de s’exprimer, en opposition aux querelles d’égos et aux invectives personnelles qui structurent bien trop souvent le débat public.

Enfin, ce sont aussi des alternatives qui marchent ! Sur ces dispositifs, on observe en effet que les citoyen‧nes tiré‧es au sort, en s’appropriant d’importantes questions politiques, retrouvent la citoyenneté qu’ils et elles avaient auparavant déléguée à leurs représentant‧es élu‧es, et prennent des positions que ces dernier‧ères n’auraient pas prises seul‧es. Ainsi, l’assemblée citoyenne irlandaise (2016-2018) aboutit à la légalisation de l’avortement dans un pays pourtant très conservateur ( Courant D., « Les assemblées citoyennes en Irlande, tirage au sort référendum et constitution », La Vie des idées, 5 mars 2019 ) sur cette question. En France, la Convention Citoyenne pour le Climat (2019-2020) ( Site internet de la Convention Citoyenne pour le climat (Source)) , proposée par les Gilets Citoyens, pousse bien plus loin que le gouvernement les ambitions du pays en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le tout dans une logique de justice sociale.

Les assemblées citoyennes constituent par conséquent une alternative sensée à l’inaction politique, et un remède de choix face à la fièvre capitaliste et son penchant pour l’autoritarisme.

S’assembler partout !

Ces initiatives témoignent d’un idéal participatif en train de s’affirmer ( Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la démocratie participative, La République des Idées, Seuil, 2008 ) . Bien loin de n’être qu’un pansement de plus sur nos démocraties malades, ces assemblées sont autant d’utopies réelles ( Wright O. E., Utopies réelles, La Découverte, 2017 ) qui permettent de présager ce que pourraient être les institutions politiques de demain : celles en mesures de confronter la diversité des expériences sociales aux risques écologiques, et celles capables de produire des décisions collectives, socialement justes et conformes à des objectifs de long terme. Aussi, ces assemblées constitueraient un pas supplémentaire vers une transformation démocratique de plus grande ampleur, à tous les niveaux de la société.

En effet, la démocratie ne se joue pas à chaque élection, mais partout et tout le temps, et surtout de la façon dont on le souhaite. Dans la rue, dans les actions de blocage, sur les ronds-points, dans les entreprises, dans les ZAD, dans les Mairies, de Saillans ( Dugrand M., La petite République de Saillans - Une expérience de démocratie participative, Rouerque, 2020 ) à Commercy ( Appel de l’Assemblée des assemblées des gilets jaunes à Commercy, Reporterre (Source)) , des quartiers populaires aux Maisons du peuple, les citoyen‧nes font déjà bouger les lignes en s’assemblant et en prenant collectivement leur destinée en main.

Assemblée populaire réalisée lors du blocage place du Châtelet par Extinction Rebellion (Paris, 10 oct. 2019)

Extinction Rebellion agit également en ce sens : les principes de démocratie directe et d’auto-organisation populaire constituent des modes d’organisation concrets et effectifs de notre mouvement, et une revendication centrale pour l’avenir. Nous accordons ainsi aux assemblées populaires une place essentielle dans le cadre de nos actions, afin d’ouvrir au plus grand nombre la possibilité de discuter des sujets essentiels que nous souhaitons porter dans l’espace public.

Toutes les initiatives qui permettent aux citoyen‧nes de reprendre le pouvoir sur leur vie sont autant de terrains de lutte qu’il est nécessaire d’investir, des brèches dans le présent obstrué, qui portent un message d’avenir.

Écoutons-le, écoutons-nous, assemblons-nous partout !

En savoir plus sur les Assemblées Citoyennes selon XR ?

  • Guide des Assemblées Citoyennes sur l’utilité et la mise en pratique de telles assemblées (disponible ici)
  • Manuel pratique des Assemblées Populaires : comment faciliter une telle assemblée ? (disponible ici)
  • Vidéo « Pourquoi XR revendique la création d’une Assemblée Citoyenne en matière de justice écologique et sociale ? »

Sources

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