Depuis plusieurs mois, nous, militant·es d’Extinction Rebellion France, observons une montée inquiétante de valeurs excluantes et dangereuses dans nos luttes écologistes. Nous observons d’une part des postures essentialisantes, c’est-à-dire des approches et analyses qui cherchent à définir une « essence » de l’espèce humaine et de son « état de nature » vers lesquels certains collectifs voudraient voir tendre nos sociétés. D’autre part, des confusions sur la notion de socialisation genrée, qui conduisent à une mécompréhension des parcours de vie des personnes trans et à des manifestations pernicieuses de transphobie même chez les personnes et collectifs se disant trans-inclusifs1. Ces constats vont à l’encontre des valeurs féministes intersectionnelles d’Extinction Rebellion dans lesquelles nous nous reconnaissons.
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Une psychiatrisation de la haine
Soyons clair·es : les discours et actes qui discriminent les personnes trans et leurs droits ne sont pas uniquement les discours psychiatrisants ou portant un rejet, voir une haine explicite. De même que le racisme est systémique et ne se réduit absolument pas à des insultes, la transphobie ou le « cis-sexisme » sont des phénomènes complexes et parfois difficiles à identifier, même pour les personnes concernées. Ces discours et actes peuvent paraitre sensés, intelligibles et dénués d’affect ou émaner d’inquiétudes pour un groupe mais impliquer un traitement factuellement différent et préjudiciable aux personnes trans. Ces discriminations de droits, plus ou moins directes ou affichées clairement, correspondent à du cis-sexisme. Beaucoup de personnes se défendent de transphobie mais produisent en réalité du cis-sexisme. Le terme de « transphobe » n’aide souvent pas les discussions, puisque des personnes répliquent souvent aux accusations de transphobie « je ne suis pas transphobe, je suis pour les droits des personnes trans, mais … ». En effet, la suite de ces répliques étant souvent des exemples de cis-sexisme.
Sortir du cis-sexisme
Nous sommes à présent responsables de sonner l’alerte : nous observons qu’il existe dans les luttes écologiques des tendances essentialistes2 qui prônent des rôles sociaux aux individu·es et valorisent le concept de genre biologique comme « norme naturelle ». Elle refuse ainsi de reconnaître l’existence des identités de genres pour les personnes concernées dans nos sociétés, au-delà même du sexe biologique, et refuse donc la légitimité des personnes trans se définissant selon un genre différent de leur assignation de naissance. Cette vision repose sur une définition purement biologique et fonctionnelle notamment des femmes : leurs chromosomes et leurs organes génitaux seraient en eux-mêmes la seule source des discriminations qu’ielles subissent. Cette vision exclut de fait les personnes intersexes, non-binaires, et trans. Cette vision oublie que la perception du genre et le sexisme sont causés majoritairement par notre sociabilisation. Les conséquences de cette idéologie toxique3, pour les personnes trans et pour tout le monde, vont de l’exclusion par principe de tout cercle en mixité choisie (sans hommes cisgenres), jusqu’aux agressions verbales et physiques. Pourtant, leur expérience les place souvent en tant que personnes victimes de harcèlements, mépris, violences sexistes et sexuelles. Lutter pour une sortie des systèmes de genres comme structures de domination ne doit en aucun cas s’effectuer par l’exclusion et l’oppression.
Soutien inconditionnel aux personnes trans
Nous, Extinction Rebellion France, dénonçons un tel dogme. Nous nous désolidarisons de toute forme d’exclusion des personnes trans, de toute revendication, message et idéologie cis-sexistes, revendiquons notre soutien entier et illimité à toutes les personnes LGBTQIA+, dont les luttes et résistances font partie intégrante de notre vision de la société, loin d’un patriarcat et d’un capitalisme qui gangrènent nos esprits et nos cœurs. Contre toute forme de domination
Les mouvements trans-excluants4, qui refusent donc de reconnaître l’identité de genre des personnes trans en leur sein, ou prétendent parfois les accepter en gardant cependant une forte distinction entre elles et les personnes cisgenres, perpétuent des structures de domination. Tout collectif radical de lutte contre les oppressions systémiques de nos sociétés doit, comme fondement structurel et stratégique, se construire dans une approche féministe incluante, comprenant toutes les personnes sexisées : femmes cis et personnes trans, personnes non-binaires & intersexes… Le transféminisme incarne en soit les luttes intersectionnelles, en décloisonnant la catégorie sociale des femmes, tout comme les approches antiracistes, anticapitalistes, antivalidistes et écologistes. En ce sens, il est impératif de penser nos luttes selon le prisme de l’inclusion et de la convergence.
La lutte sera intersectionnelle ou ne sera pas
Plus qu’une lutte contre l’exclusion des personnes trans, plus qu’une lutte contre les mouvances explicitement excluantes, nous invitons à lutter activement contre toute forme d’attitude, de comportement ou de propos discriminants envers les personnes trans. Nous devons impérativement travailler nos interactions et prises de décision en prenant en compte les besoins et les spécificités des parcours de chacun·e. Ne pas répondre à ces impératifs, les reléguer au rang du détail, de l’impensé, hiérarchiser l’urgence de résister contre les systèmes de domination au sein de nos collectifs, sont des dangers dramatiques concernant l’éthique de nos démarches, le respect des militant·es, et la lutte contre toute fascisation de nos modes d’action et de gouvernance. Nous devons travailler à créer des moyens, intellectuels et de gouvernance, afin de concrétiser une posture transféministe sur le terrain de nos luttes.
Nous invitons ainsi tous les collectifs écologistes, anticapitalistes, féministes, et plus globalement luttant contre tout système de domination et d’oppression, à soutenir cet appel, à le relayer et ainsi communiquer leur positionnement et leur soutien ferme et sans appel au respect et à la prise en compte des personnes trans dans leurs luttes, en reconnaissant leur entière identité, leurs besoins et leur légitimité dans nos luttes, et en célébrant ensemble notre solidarité dans nos combats.
Militant·es et activistes de tout horizon, luttons contre le patriarcat, avec toux*s*tes !
Extinction Rebellion France
A l’initiative du groupe Extinction Rebellion Nantes
Premiers collectifs signataires :
- Collages féministes Bordeaux
- NousToutes
- Riposte Alimentaire
- Les Rayonnant.x.es
- Fierce faces
- PEPS Pour une Ecologie Populaire et Sociale
- Scientifiques en Rébellion
- Voix déterres
- Extinction Rebellion France
- XR Nantes
- XR Chambéry
- XR Auxerre
- XR Toulouse
- XR Vaucluse
Si vous souhaitez signer le texte au nom de votre collectif, vous pouvez remplir ce formulaire.
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Pour comprendre que la socialisation de genre & la transmisogynie (La transmisogynie : les femmes trans comme boucs-émissaires – Le Chaudron) sont les éléments fondateurs du cissexisme, qui omet également les discriminations et violences dont sont victimes les personnes trans : Femmes transgenres : l’activiste Lexie pointe les violences faites aux femmes trans - Terrafemina ↩
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“DGR estime que, parce que l’oppression des femmes découle au moins en partie des capacités reproductrices de leurs corps de femelles, et parce que les femmes biologiques (nées femelles et assignées femmes dès la naissance) sont depuis trop longtemps victimes du patriarcat et des abus des hommes nés mâles, leurs espaces non-mixtes ne devraient pas disparaître au profit d’espaces « en mixité choisie » regroupant toutes les « personnes non hommes » par souci d’inclusion.” - Site internet de Deep Green Resistance - DGR validiste et transphobe ? Réponse aux accusations et menaces du groupuscule « Beaulieu écologiste » ! - Deep Green Resistance France ↩
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“La médecine moderne, hautement technologique, permet de se défaire des lois de la sélection naturelle, en maintenant en vie une humanité de plus en plus dépendante du système technologique mondialisé, au patrimoine génétique de plus en plus défaillant. Des gènes problématiques, peu efficients (adaptés), qui auraient été évincés par la sélection naturelle, se multiplient grâce aux technologies de reproduction artificielle modernes” - Site internet de Deep Green Resistance - Deep Green Resistance, des réactionnaires à l’assaut de l’écologisme français – Revolutionary Democracy ↩
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Des collaborations multiples avec DGR sont répertoriées sur le territoire et nous alertent fortement, par exemple un pique-nique & conférence samedi 4 juin 2022 (lien facebook) entre 10 associations dont DGR Île-et-Villaine, Extinction Rebellion Rennes, Youth For CLimate Rennes et Extinction Rebellion Bretagne - ou bien une conférence sur l’agro-industrie (lien facebook) co-organisée par XR Rennes, DGR Île-et-Villaine et Youth For Climate Rennes - ou encore une tribune de la LPO signée notamment par DGR Île-et-Villaine, EELV Bretagne, Youth for Climate Rennes, Alternatiba Rennes, XR Rennes et ATTAC Rennes ↩